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'v^.

U

CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS

COLLECTION DE LA REVUE DU MONDE MUSULMAN

CHRONIQUES

DU

FOÛTA SÉNÉGALAIS

TRADUITES DE DEUX MANUSCRITS ARABES INEDITS

DE

.SIRÉ-ABBÂS-SOH

et accompagnées de notes, documents annexes et commentaires, d'un glossaire et de cartes.

MAURICE DELAFOSSE

AVEC LA COLLABORATION DE HENRI GADEN

PARIS ERNEST LEROUX, ÉDITEUR

28, RUE BONAPARTE (vi«) I913

JUL 181967

CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS

AVERTISSEMENT

Dans le courant de l'année igii, M. Gaden m'adressa deux manuscrits arabes: l'un {mscr. A) lui avait été remis par A bdoullaye-Kane, interprète principal en re- traite, chef supérieur des Yirlâbé-Hebbiyâbé, chevalier de la Légion d' honneur , en résidence à Sa Idé; l'autre {mscr. B) lui avait été procuré par M. Paul Chéruy^ alors comman- dant la résidence de Boghé en Mauritanie, qui l'avait reçu lui-même de Yahia-Kane, chef des Yirlâbé de la rive droite du Sénégal et gendre d'' Abdoullaye-Kane. Ces deux ouvra- ges sont l'œuvre du même auteur^ un indigène du Foûta sénégalais nommé Siré-Abbâs-Soh^ originaire du village de Dyâba, qui passe dans tout le pays pour un généalo- giste remarquable, fort au courant de l'histoire du Foûta et des familles qui ont contribué à le peupler {voir à la suite du présent avertissement la note relative à ce Siré- Abbâs). Ces deux manuscrits, d'autre part, ne sont pas de tous points identiques : le premier {A), écrit de la main même de Siré-Abbâs, a été rédigé par lui en quinze jours, c'est-à-dire très hâtivement, à la demande d'Abdoullaye-

2 CHRONIQUES DU FOÛTA SENEGALAIS

Kaneet à un moment où, n'ayant pas ses notes à sa disposi- tion, il avait compter uniquement sur sa mémoire. Le manuscrit B est une copie, asse!{ mauvaise d'ailleurs, d'une notice rédigée par Siré-Abbâs à la demande de Yahia- Kane, plus à loisir et avec plus de soin ; l'original de cette notice aurait été donné par Yahia-Kane à M. Mariani, alors inspecteur de l'enseignement musulman au Sénégal.

Siré-Abbâs a utilisé, pour écrire ses Chroniques, les tra- ditions historiques qui se conservent oralement parmi les grandes familles du Foûta; mais il s'est servi surtout des souvenirs qu'il avait gardés de la lecture d'une histoire du pays, asse^ volumineuse, paraît-il, écrite il y a un siècle environ par un personnage connu sous le nom de tafsîrou- bogguel A hmadou- Samba.

Malheureusement pour Siré-Abbâs et pour la science, cet ouvrage du tafsîrou-bogguel,ûfonf il n'existait, afjîrme- t-on, qu'un exemplaire wiique, est aujourd'hui perdu : un nommé Baïla-Diâfara, qui possédait cet exemplaire par droit d'héritage, le remit en gage un certain jour entre les mains d'un commerçant de Dakar dont il était le débiteur et, depuis, il a été impossible d'en retrouver trace. Il est assurément très regrettable que cet ouvrage ait disparu, mais il ne devait pas contenir, sur les anciennes dynasties du Foûta, des renseignements beaucoup plus complets ni plus précis que ceux qu'a donnés d'après lui Siré-Abbâs, qui avait longuement étudié l'histoire du tafsîrou-bogguel. Celle-ci du reste s'arrêtait yxécessairement à une époque antérieure à celle jusqu'à laquelle Siré-Abbâs a poussé son récit, c'est-à-dire à la conquête définitive du Foûta par la France.

En plus des traditions orales et des souvenirs qu'il avait gardés de la lecture du tarikh d' A hmadou- Samba, Siré- Abbâs a eu connaissance d'une chronique écrite au temps du satigui Soulé-Ndiâye l'aîné par un elimàçi-Lévva et traitant de l'histoire des Dénianké depuis la lutte entre

CHRONIQUES DU FOU TA SENEGALAIS 5

Konko-Boûbou-Moûssa et Samba-Guéladio-Diêgui jus- qu'au règne du satigui précité. Il a enfin utilisé un petit manuscrit rédigé par un tyèrno-Siwol et contenant quel- ques renseignements chronologiques, entre autres la date de V avènement des Dénianké au pouvoir et celle de la mort de Valmâmi Abdoulkader.

Ce Siré-Abbâs est d'ailleurs un généalogiste fort réputé,, célèbre au Foûta pour sa connaissance des traditions loca- les. C'est à lui que Von s'adresse chaque fois que Von veut avoir des renseignements d'ordre historique et c'est ainsi qu'il a été amené à rédiger ses manuscrits A et B sur commande. Au fond, ses Chroniques ne constituent pas, à notre point de vue européen, une histoire bien remplie ni bien intéressante du Foûta, mais il m'a paru utile d'en donner la traduction, attendu que nous ne possédons aucun autre document historique sur ce pays et que nous n'avons aucune chance de trouver mieux que ce qu'a fait Sir^é-Abbâs. Il est même fort curieux que, dans cette région islamisée depuis si longtemps, on ne trouve absolument rien d'analogue à ce qui a été trouvé dans la région du moyen Niger.

Les deux manuscrits que j'ai eus à ma disposition trai- tent du même sujet, c'est-à-dire de Vhistoire des différentes dynasties et des nombreux souverains, païens puis musul- mans, qui se sont succédé au Foûta depuis les origines jusqu'à V occupation française; V auteur y a ajouté des détails sur V origine de certaines familles et de certains villages. Mais, si le sujet traité est le même, si plusieurs passages sont textuellement semblables dans Vun et Vautre manuscrit, il existe cependant entre les deux de notables différences : tel règne ne comporte que quelques lignes dans Vun des deux ouvrages qui, dans Vautre, fournit ■matière à plusieurs pages ; certains faits racontés par Vun

4 CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS

sont omis par l'autre ou sont racontés de façon légère- ment différente; l'ordre chronologique n'est pas toujours le même ; certaines matières donnent lieu à des déve- loppements appréciables dans l'un des manuscrits, alors qu'elles n'ont même pas été effleurées dans l'autre; la transcription des noms propres non plus n^est pas toujours identique.

D'une façon générale, le manuscrit A est plus riche en faits, pour la période moderne, que le manuscrit B, qui au contraire contient plus de choses concernant les époques anciennes. L'un et l'autre se confinent trop souvent en une sèche nomenclature.

J'ai pensé qu'il était préférable de fondre en un seul récit la traduction des deux ouvrages; ce procédé, qui aurait offert de graves inconvénients si les deux manu- scrits avaient été l'œuvre de deux auteurs différents et s'il m'avait fallu, en cas de divergence, préférer l'une des ré- dactions à l'autre, n'en présentait pas dès le moment que les deux manuscrits sont du même auteur. D'autant que ce dernier a revu lui-même ses deux ouvrages avec M. Gaden et lui a expliqué, lorsqu'il y avait des variantes, quelle était la leçon à adopter, lui fournissant de plus oralement quantité de renseignements complémentaires, souvent plus intéressants que le texte lui-même, qui ont été consignés dans les notes et surtout au glossaire.

Afin en effet de ne pas surcharger le texte de commen- taires encombrants, je ne l'ai accompagné que des notes nécessaires à sa bonne compréhension ou à l'explication des variantes que Von trouve parfois dans les deux ma- nuscrits touchant la rédaction d'une même phrase ou l'ordre des matières, ou encore l'orthographe de certains noms propres. Quant aux commentaires d'ordre géogra- phique, historique, etc., qui m'ont semblé présenter quel- que intérêt, je les ai réunis à la fin du volume sous forme d'un glossaire; on trouvera dans ce glossaire, par ordre

CHRONIQUES DU FOÔTA SENEGALAIS 5

alphabétique, la plupart des noms propres et des termes indigènes mentionnés dans les Chroniques, avec la trans- cription de chaque mot telle qu''elle Jigure dans le texte arabe et tous détails utiles. Ces commentaires ont été revus et complétés au Sénégal par M. Gaden, ainsi que la trans- cription en caractères latins de tous les noms propres et termes indigènes, avec l'assistance de Siré-A bbâs lui-même.

Des documents d'ordre à la fois légendaire et histori- que, recueillis au Sénégal par M. Gaden de la bouche de divers notables indigènes, et qui se rapportent aux matières traitées dans les Chroniques, ont été ajoutés sous forme d'annexés, afin que le présent ouvrage constituât une sorte de recueil, aussi complet que possible, des traditions indi- gènes concernant Vhistoire du Foûta sénégalais.

Enfin un tableau chronologique et des commentaires historiques, établis avec la collaboration précieuse de M. Gaden, permettront au lecteur de se reconnaître plus facilement au milieu des faits rapportés par V auteur des Chroniques et les informateurs auxquels nous devons les documents annexes. De plus, une carte du Foûta séné- galais et des régions voisines, placée à la fin de l'ouvrage, aidera à localiser ces faits aux endroits oîi ils se sont passés et à suivre les événements d'une manière plus pré- cise.

Peut-être dois-je au lecteur quelques explications au sujet de la valeur des manuscrits arabes dont je lui présente la traduction. Au point de vue littéraire, je n'hésite pas à dire que cette valeur est nulle : parfois incorrect, souvent obscur, généralement sec, le style de l'auteur revêt en cer- tains passages une allure amphigourique qui est de fort mauvais goût et qui nuit à la clarté du texte. Au point de vue historique, les Chroniques, comme les documents que j'y ai annexés, ne peuvent prétendre à donner la vérité

6 CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS

scientifique que recherche l'esprit des Occidentaux : ainsi que le fait souvent remarquer fauteur avec une franchise dont il faut lui savoir gré, il s'agit la plupart du temps d' événements trop anciens pour qu'on puisse rien avancer avec certitude et, au reste, Dieu sait mieux que personne ce qui s'est passé exactement. Assurément, le merveilleux tient, à notre gré, une place un peu trop considérable en ces récits, mais la même circonstance se retrouve dans l'histoire de tous les peuples au début de ce que nous appe- lons précisément la « période historique », et, en ce qui concerne un pays aussi dénué de littérature que le Foûta sénégalais, on peut dire que la « période historique » ne commence qu'avec l'occupation du pays par les Européens. On pourrait aussi reprocher à l'auteur des Chroniques l'indulgence excessive qu'il professe pour les généalogies: celles-ci, même au Foûta, sont conservées surtout par des griots qui paraissent avoir eu autant de part à leur élucu- bration qu'à leur transmission, leur principal souci étant de trouver des titres de noblesse, c' est-à-dire une descen- dance illustre, à des familles désireuses d'avoir comme ancêtres des princes fameux ou des chérifs notoires. Quoi qu'il en soit, étant donné le manque presque absolu de docu- ments originaux sur la formation et l'histoire des popu- lations soudanaises, je crois sincèrement qu'il y a un très grand intérêt à recueillir et à publier, pendant qu'il en est temps encore, tout ce que l'on peut se procurer en fait de légendes ou de chroniques de source indigène, tant orales qu'écrites.

M. Delafosse.

NOTE

SUR LE MODE DE TRANSCRIPTION ADOPTE

Je crois devoir expliquer le système que j'ai adopté pour la trans- cription des noms propres et termes indigènes. Tous les mots écrits en italiques devront se lire conformément au tableau ci-après, chaque lettre devant conserver toujours, quelle que soit sa position dans le mot, la valeur alphabétique qui lui est donnée dans ce tableau. S'il s'agit, au contraire, d'un mot écrit en caractères ordinaires, on le lira selon les règles habituelles de la prononciation française. Pour la transcription phonétique des mots écrits en italiques, je me suis guidé sur l'orthographe donnée par les manuscrits arabes, selon le sys- tème indiqué également au tableau ci-après, et en tenant compte, lors- que l'orthographe était incomplète ou douteuse, des indications données par M. Gaden ou par Siré-Abbâs lui-même sur la façon dont chacun de ces mots est prononcé par les Toucouleurs ou les Peuls du Foûta sénégalais : souvent, en effet, l'auteur ou son copiste a omis soit les voyelles, soit les points diacritiques destinés à donner une valeur spé- ciale à telle ou telle lettre de l'alphabet arabe.

Comme on le verra en jetant les yeux sur le tableau qui suit, les indi- gènes du Foûta sénégalais ont imaginé deux signes destinés à adapter l'alphabet arabe à la transcription des mots peuls. D'abord un point placé sous la consonne sert à représenter la voyelle e, qui n'existe pas en arabe, et un (^ de prolongation, surmonté en général d'une sorte de petit ^^, sert à indiquer que cette voyelle est longue. Ensuite trois points ou parfois un chedda placés au-dessus d'une lettre, indiquent que cette lettre prend une valeur nouvelle, inconnue en arabe, valeur qui, du reste, n'est pas toujours la même pour une lettre donnée : c'est ainsi que le <^ surmonté de trois points peut représenter un b nasalisé {mb) ou un b claquant (4») ou un p, que

8 CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS

le r- surmonté de trois points peut représenter un d mouillé et nasalisé {ndy) ou un d claquant mouillé (dy) ou un t mouillé (ty) ou un n mouillé (ny), que le d) surmonté de trois points peut représenter un g ordinaire ou un g nasalisé (hg), que le (J à trois points peut représenter un n

vélaire (n) ou un g nasalisé (hg) ou un g ordinaire. Parfois le damma est également accompagné de trois points pour indiquer que la voyelle doit se prononcer o et non u, mais cette distinction est la plupart du temps négligée. Ces quelques remarques suffisent à montrer l'imperfec- tion du système graphique adopté par les Peuls lettrés du Foûta séné- galais, imperfection qui s'accroît encore lorsque la vocalisation ou les points diacritiques supplémentaires sont omis, ce qui arrive fréquem- ment.

TABLEAU

indiquant le système de transcription des noms propres et termes indigènes

en caractères arabes ("selon le texte des manuscrits A et B)

et en caractères latins {selon l'orthographe adoptée pour les mots en italiques.)

CIKICTÉBE

VALEUR

CARACTÈRES

OBSERVATIONS

LATIN

ARABES

Voyelles.

a

a français ordinaire.

y

à

a long.

C

,

a

tantôt a long ou demi-

X (^

long {a fînal de

mots pour la plu-

part arabes), tantôt

un a portant une

sorte d'accent de

hauteur (a négatif

peul).

e

é ou è français

5

Parfois è bref est re- présenté par .

ë

0

é long ou ê français. 0 français ordinaire.

t5.

Parfois éest repré- senté par vl.

u

ou français ordinaire.

*

ô

6 français.

/"i

û {néant)

ou français long, absence de voyelle.

y-

La langue peule ne possède pas de voyelles propre- ment nasales : les groupes an, on, etc., doivent se prononcer « ane, ono.etc. 1

10

CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS

CARACTÈRK

VALEUR

CIRICTÈHES

OBSERVATIONS

LATIN

ARABES

Consonnes simples.

constrictive gutturale sonore équivalant au hamza arabe (ne se fait pas sentir dans la prononcia- tion).

' O^ t

b

b français ordinaire.

^

b

b claquant ou explo- sif de la langue peule.

t.

d

d français ordinaire.

^

Aussi (ji dans des

d

d claquant ou explo- sif de la langue peule.

J.

mots d'origine arabe.

f

/français ordinaire.

^

g

g français devant a

S ou (J

Aussi ç- dans des mots d'origine

ou 0 et gu français

devant e ou /.

arabe.

h

h anglais ou alle- mand.

iS OU ^

k

k ordinaire.

dJ ou par- fois (J

Aussi ^ dans des mots d'origine arabe qui por- tent cette lettre ; le son du ^ ara- be (jota) n'existe pas en peul.

l

/ liquide ordinaire.

J

Aussi ^Jê> dans cer- tains mots d'ori- gine arabe; le^ arabe est pro- noncé par les Soudanais tan- tôt d et tantôt /

CHRONIQUES DU FOU TA SENEGALAIS

I I

CiBlCTÈRE

VALEUR

CARACTÈRES

OBSERVATIONS

LATIN

ARABES

m

m français ordinaire.

r

Voir aussi les con- sonnes nasali- sées.

n

n français ordinaire.

j

id.

n

n vélaire ou groupe

*

id.

" gn " dans le

français " campa-

gne", groupe "n^"

dans l'anglais

" ring ".

P

p français ordinaire.

t.

r

r liquide ordinaire.

J

s

5 sourde du français "savant".

cT ou^P

Aussi (J-, surtout dans des mots d'origine arabe.

t

t français ordinaire.

Cj

Jpdans le motj •-»

Û OVi V

u français semi-vo-

(Tôro) et dans

yelle ou V français

J

des mots d'ori-

ordinaire (au Fou-

gine arabe ; aus-

la le w revêt en général l'un de ces deux sons devant e et devant i).

si 5 dans des noms d'origine arabe.

w

w anglais ordinaire ou " ou " français dans " oui".

J

J à la fin d'un mot correspond à peu

y

y allemand ou y fran- çais dans "Bayon- ne".

redoublement de la consonne.

^

près à un 0 ou u bref.

1.

Consonnes mouillées.

dy

d ordinaire mouillé.

^ ou i

dy

d claquant mouillé.

t

12

CHRONIQUES DU FOÛTA SENEGALAIS

CARACTÈÎIB

LATIN

VALEUR

CARlCTiRtS ARABES

OBSERVATIONS

ny

n mouillé.

^ou ^^

Consonnes nasalisées.

mb

t mouillé.

b ordinaire nasalisé.

trou ^

Aussi »i**, w.^ et

nd

d ordinaire nasalisé.

^

Aussi A) et Aj.

ndy

d mouillé nasalisé.

i ...

"* M

ng

g nasalisé.

J ou d)

Aussi (j et (J.

Consonnes

ch

ch ordinaire français

«

spéciales

ou sh anglais.

cT

à des mots étrangers (arabes, ouolofs,

gh kh

g glottal ou rvélaire. ch dur allemand ou jota espagnole.

t

t

mandingues,

etc.)

NOTE GÉNÉALOGIQUE SUR SIRÉ-ABBAS

Auteur des Chroniques.

Sirê-Abbâs a pour yettôde (nom de clan) Soh. Il appartient à la tribu des Wodâbe et est originaire du village de Dyâba, près de Hôre- fônde (canton des Yirlâbé, cercle de Saldé).

Par son père, il est un Tyèybôwo, c'est-à-dire qu'il appartient à la noblesse formée par les Sèybôbe et issue des divers chefs de tribus peules qui accompagnèrent les différents conquérants du Foûta et leur prêtèrent leur concours. Par sa mère, c'est un Dëniyahke, c'est-à-dire un descendant de la dynastie de Koli-Tehgella.

Voici sa généalogie du côté paternel : Sirë fils de 'Abbâs fils de Yero fils de Sirë fils de Suie fils du satigi-Mbôlo (i) Bûbu fils de Vardo- Wodâbe (2) Demba fils de Dyam (3) fils de Belal fils de Dulo fils de Garba fils de Ngiya fils de Dyâdye-Sâdiga (4).

(i) Le titre de satigi-Mbûlo passa de Bûbu à tous ses descendants et Siré- 'Abbâs est appelé souvent satigi-Abbâs. 11 n'y a rien de commun entre ces satigi-Mbôlo, qui sont des Peuls originaires du Termes, et les satigi- Déniyahkôbe successeurs de Koli. D'autre part, le satigi-Mbôlo Suie (fils de Bùbu fils de Demba fils de Dyam, etc.) eut pour mère Kadyata, qui était fille de Môdi fils de Bôkar-Tabakali fils de Sawa-Lâmu, ces deux derniers ayant régné sur le Foûta comme satigi de la dynastie de Koli : Siré-Abbâs se rattache donc aux rois dénianké par son père comme par sa mère.

(2) Voir au glossaire les mots Ardo et Wodâbe.

(3) Tous les descendants de ce Dyam sont Sèybôbe et ont pour yettôde Soh.

(4) Ce lointain ancêtre est le Dyâdye fils de Sûdi du Tarikh es-Sou-

ddn ( (^.îV-- jj^ 1 ^_^ \>' ), qui vivait au début du quinzième siècle et dont le frère Maka ou Makam fonda le royaume peul du Mâssina.

14 CHRONIQUES DU FOUTA SENEGALAIS

Voici maintenant sa généalogie du côté maternel : Sirë fils de 'Ummahâni fille de Valmâmi (i) Suie fils de 'Ali fils de Sirë-Ndyây fils du satigi (2) Bûbu-Mûsd.

(i) Suie fut almâmi des Déniyahkôbe et non pas almâmi du Foûta. (2) L'un des rois dénianké successeurs de K.oli.

CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS

Par SIRÉ-ABBAS-SOH

Au nom de Dieu, le clément, le miséricordieux. Gloire universelle et louange complète à Celui qui a enseigné à Adam tous les noms et ensuite les a appliqués aux anges et a appelé les prophètes du nom de ceux-ci ! Bénédiction et salut sur le prince des prophètes ! à lui et à eux, à sa famille et à leurs familles, à ses compagnons et à leurs compagnons savants et pieux, le summum de la bénédiction et du salut ! ainsi soit-il, ainsi soit-il !

Le premier prince qui régna sur le Fûta du Tôro, comme roi remarquable et connu, s'appelait Dya'ukka ou Drd'ôgo. Son origine (et Dieu le très haut le sait mieux que personne) provenait, dit-on, des Coptes d'Egypte ; ses ancêtres habitaient dans une localité du nord de la Syrie appelée 'Ukka : c'est qu'il naquit et il régna sur cette localité pendant un certain temps dont Dieu le très haut connaît la durée mieux que personne. Y ayant été attaqué par des troupes arabes qui dévastèrent le pays, il s'enfuit de et se rendit en une région appelée Tôr, laquelle région du Tôr était un pays rocheux, renfermant des cavernes il se mit à l'abri pendant plusieurs années. Ensuite il y fut assailli par de nombreuses troupes arabes qui voulaient

l6 CHRONIQUES DU FOÛTA SENEGALAIS

s'emparer de ce qu'il possédait en fait d'or et d'argent, car il transformait les pierres en or et en argent par des pro- cédés magiques dont il avait acquis le secret ou dont il avait hérité de ses ancêtres les Pharaons égyptiens. Il s'en- fuit donc de cette région et se rendit auprès du fleuve (i).

Or son nom, avant ces événements, était Harwanu; mais, au temps il régnait sur la ville de 'Ukka, il avait reçu le titre de Dyd-Ukka (2). Ensuite, il arriva que ces troupes qui l'avaient pourchassé lui donnèrent, ainsi qu'à ceux qui étaient avec lui, le surnom de Fawta-t-Tôri (3), eu égard à la région précitée du Tôr, et c'est de cette expres- sion qu'est dérivée l'expression Fûta-Tôro.

Après s'être ainsi enfui, il s'arrêta au nord du fleuve (4) dans le Tye'e-Gene, qui fut appelé plus tard Tegenti, le nom de la contrée étant alors Kudà ; il se rendit maître de cette contrée et y demeura quelques années, et c'est depuis cette époque qu'elle est appelée Fûta du Tôro, selon le nom

(i) Le « fleuve » dont il s'agit est le Sénégal, ainsi que le prouvera la suite du récit. On remarquera que la chronique est muette sur les événements qui se produisirent durant ce long exode à travers toute l'Afrique.

Si /

(2) viAc- o dans A, ^— ^ li dans B, c'est-à-dire en arabe « le maître de

'Ukka » ou « 'Akka ». Sauf dans ce passage destiné à expliquer l'étymo- logie du surnom donné au premier souveram du Foûta, le mot est généra-

lement écrit par un r- et vocalisé tantôt o_^V»-, tantôt cJapI?" ; on

>- / s /

trouve cependant aussi «-Afi. 1.5 dans A et CÎAc- li dans B.

(3) J_j-«J 1 ôj.?, c'est-à-dire en arabe « séparation du Tôr » ou « éloi-

gnement du Tôr », ce qui indique bien que, dans l'esprit des légendes rap- portées, le Tôr en question était le pays d'où venait DyCi'ôgo et non celui aboutit sa migration. D'ailleurs Siré-Abbàs traduit cette expression en peul par botyitibe e hCiyre ()ûri, c'est-à-dire « ceux qui se sont échappés de la montage de Dûri »;il ajoute, il est vrai, que ()ilri ou ()ôro était la forme ancienne du nom du Tôro.

(4) Ici encore, le mot « fleuve » {^^^) désigne le Sénégal, ainsi que dans tout le cours du récit : ceci doit être entendu une fois pour toutes.

CHRONIQUES DU FOUTA SENEGALAIS If

qui lui est donné aujourd'hui de préférence à tout autre (i), en souvenir de la fuite par laquelle Dyà'ôgo avait échappé à ses ennemis. Ensuite, il séjourna quelques années dans la province du Tdro (2). Puis il la quitta et se rendit à 'Anyam-Godo ; ce village et ceux qui l'entourent faisaient partie d'un groupe de localités portant le nom de « villages des étrangers (3) »; il habita à 'Anyam-Godo durant un certain temps et on retrouve en cet endroit des restes de sa descendance. Puis il habita également en un lieu situé à l'est de Bokki-Dyove, sur une colline rocheuse, en un en- droit qui portait auparavant le nom de Ddrû. Puis il habita ensuite en un lieu situé à l'est de Kâvel, pour échapper aux moustiques ; c'est que fut enterrée sa fille Pendô- Dyà'ukka.

(i) Voir au glossaire, au mot Tye'e-Gene, l'explication de ce passage ; il s'agit ici de la région du Tagant, à laquelle le séjour de Dyâ'ôgo aurait fait donner, comme à tous les pays il séjourna, le nom de Foûta-Tôro.

(2) Ici, il s'agit du Tôro propre, sur la rive gauche du Sénégal. Avant d'y arriver Dyâ'ôgo aurait d'abord séjourné en un point de la rive droite situé à hauteur de Dimat (cercle de Dagana) et y aurait fondé un village appelé Lammôbe, dont les ruines se voient encore. Il trouva près de des captifs d'Arabes, accompagnés de leurs femmes, qui venaient de l'Est, s'étant échappés de chez leurs maîtres, mais qui ne faisaient pas partie de l'exode de Dyâ'ôgo. Ce dernier les engloba dans sa troupe, de même qu'il prenait avec lui tous les captifs du pays dont il pouvait se saisir. Quant à ce village de Lammôbe, il fut plus tard habité par des Peuls Bâbâbe originaires du Badyar qui, par la suite, l'abandonnèrent pour aller vivre auprès des Halaybe, mais conservèrent de leur ancienne résidence le surnom de Lam, en échange de Bah, leur nom de clan précédent; ces Peuls sont des Tàrodbe. C'est après avoir séjourné à Lammôbe que Dyâ'ôgo se rendit au Tôro, puis à 'Anyam-Godo.

(3) f>^^ ' fS^- Le mot f*^*^ désigne en arabe tout ce qui n'est pas

arabe ; sa traduction au moyen du mot « étrangers » n'est donc exacte qu'en supposant la qualité d'Arabe au personnage faisant l'objet du récit. L'auteur de la chronique a voulu sans doute expliquer l'étymologie du mot 'Anyam, qui précède le nom de plusieurs villages de Foûta, et indiquer que les habitants de ces villages n'étaient pas, comme Dyâ'ôgo, originaires d'Arabie ou de pays voisins de l'Arabie, mais étaient des autochtones de race nègre. La façon adoptée pour transcrire 'Anyam en caractères

•^ y /> '

arabes if^^^) lui permettait cette étymologie, sans doute inventée pour les

besoins de la cause. Le not 'Anyam, d'après M. Gaden et Siré-Abbàs, n'a aucune signification dans le dialecte peul parlé actuellement au Foûta.

ï8 CHRONIQUES DU FOÛtA SÉNÉGALAIS

Il régna sur le Fûta du Tôro durant cent trente ans (i). D'après certains autres chroniqueurs cependant, il n'aurait régné sur le Fûta du TÔro que quatre-vingt-dix ans et c'est sa vie qui aurait duré cent trente ans, ce qui est plus vraisemblable. On n'a gardé le souvenir d'aucune de ses actions en dehors de celles rapportées précédemment. Il avait comme nom de clan (2) Dyah.

Ensuite arriva Mûsd, plus connu sous le surnom de Manna, qui, d'après ce qu'on raconte, venait de Mind. Il tua Dyâ'ukka, après avoir habité, au début de son arri- vée, au nord du fleuve en un endroit appelé Dallol, dans les environs du Hausa. Il en était parti pour aller habiter auprès de Kumballi enun endroitappelé depuis Magmîîa, puis dans d'autres endroits tels que des localités du Bôseya^ des Hebbiyàbe et des Yirldbe situées au nord du fleuve, et dans d'autres encore. Ensuite il habita dans le Ngadyak, au sud du fleuve. Puis il se rendit maître du Fûta du TÔro, il régna ainsi que ses descendants, tels que son fils Mdt-Mûsd (dont est issue par Malal-Mât (3) celle des familles des Sèybôbe à laquelle appartenait le titre de lâmdO'Bôseya au temps de la dynastie de Tengella fils de Gedal fils de Lige fils de Hedalde fils de Bodewal fils de Mâkamà fils de Hubba, etc.), Kôba, frère de celui-ci, et

(i) Il est fort probable que ce chiffre de i3o ans, s'il est exact, doit s'ap- pliquer, non pas à la durée du règne ni même de la vie de Dyà'ôgo, mais à la durée du temps pendant lequel sa dynastie régna sur le Foûta. D'ail- leurs il ne convient pas d'accorder une valeur exagérée aux chiffres donnés par l'auteur pour la durée des régnes ou des dynasties.

(2) wa3 signifie proprement « surnom » en arabe ; j'ai traduit ce mot par

« nom de clan » toutes les fois qu'il est emplo3'é en annexion avec l'un des noms de clan (yettôde en peul) qui se rencontrent au Foûta.

(3) 11 me faut rappeler ici une fois pour toutes qu'en peul le nom du père (ou de la mère) suit le nom de l'enfant sans qu'il soit nécessaire d'in- tercaler aucun mot entre les deux: Malal Mût veut donc dire * Malal fils de Mât », comme Màt Mûsà veut dire « Mût fils de Mùsà ».

CHRONIQUES DU FOUTA SENEGALAIS I9

Kuyam, fils de sa sœur (i) : ils régnèrent sur le Fûta du Tôro durant trois cents ans.

On dit (et Dieu le très haut le sait mieux que personne) qu'un de ses parents (2), le nommé Mâsa/a-Mâ??ta, fut celui qui prêta son concours à Tondyon pour le (3) noyer à eux deux dans le fleuve entre Horndolde et Bappalel. 11 y a des survivants de sa descendance dans certains villages du Damga, tels que le village de Bappalel, qui ont comme nom de clan Bah et dont l'un réside à Kayhaydi (4). Il y a h. Bappalel une tribu appelée Silbe : le village de Horka- dyere et cette tribu faisaient partie de son commandement, selon les traditions courantes. Ce Manna dont il vient d'être question avait comme nom de clan Bah.

Ensuite Tondyon s'empara du Fûta du Tôro et y régna durant cent ans, bien que certains prétendent (et Dieu le très haut le sait mieux que personne) que Tondyon serait plus ancien que Manna. Quant à son origine, elle remonte à des compagnons dtDyd'ukka qui, s étant séparés de lui, s'étaient dirigés vers le pays du Sïn ; leur chef en ce temps était un homme appelé Dyawfulfîli et c'est de lui qu'est issu Tondyon, lequel mit à mort Manna pour venger

(i) M^ 4JS'I ^y\j y^jp ^^'J- D'après le contexte, Kôba était le

frère de ^fât et Kuyam le fils de la sœur de Mât ou peut-être le fils de la sœur de Kôba.

(2) Probablement un parent de Kuyam ou tout au moins d'un représen- tant de la dynastie de Manna. D'après le texte, ce serait un parent de Manna lai-même.

(3) La dynastie de Manna ayant régné 3oo ans et ayant compté, outre Manna, au moins trois princes (Mât, Kôba et Kuyam), le pronom « le » ne peut représenter vraisemblablement que le dernier prince de cette dynastie, celui auquel succéda Tondyon. D'après le texte cependant, ce pronom représente Manna lui-même, mais manna est ici un titre dynastique.

(4) B porte XilA»-! JD au lieu de j*-*-*^>'i jo qui se trouve dans A; cette dernière leçon est la seule acceptable.

20 CHRONIQUES DU FOÛTA SENEGALAIS

Dyâ'ukka (i); ils n'avaient plus eu d'ailleurs de rapports avec Dyâ'ukka ni sa famille depuis le moment ils s'étaient séparés de lui.

C'est de ce Dyawfuljïli qu'est issue l'une des familles des Sèreràbe, celle qui reçut comme nom de clan Dyaw- fulfîli, expression dont est dérivé le mot Dyûf. Il habi- tait au village de Kikkitte; le parc de ses bestiaux se trou- vait en un endroit sis au-dessous de ce village du côté de l'Est, endroit appelé Yôli et qui, plus tard, devint une mare. Il avait habité aussi près du tombeau de Mbaydr- Fay, au nord du fleuve, se trouvent les puits que l'on rencontre entre Mbanyi et Dewanibbal, points qu'on appelle aujourd'hui Mbàny et Dûnobal. Il y avait autrefois des restes de sa descendance à Hâyre-Funëbe ; on leur avait donné d'abord le nom de clan de Dyôp, nom dérivé de Dyûf qui dérive lui-même de Dyawfulfïli (2) ; par la suite, on donna à certains d'entre eux les noms de clan de Mbaty et de Nyd.

Voici ce que l'on raconte au sujet de l'histoire de Ton- dyon et de son nom de clan Dyawfulfïli. L'ancêtre de cette famille qui fut dénommé ainsi était un chasseur; lorsqu'il avait aperçu les gens de Dyâ'ukka, il s'était caché dans le ventre d'un éléphant mort; ceux-ci se jetèrent sur cet éléphant, dévorèrent son corps en entier et en retirèrent le chasseur; il leur fit connaître qu'il était un homme du Sin et ils le surnommèrent Djûf-el-Fil (entrailles d'élé- phant).

Ensuite arriva le làm-Termes. Les annales nous appren- nent qu'entre lui et le surnommé Manna existaient des

(i)Dont la dynastie avait été renversée par Manna

(2) 0^\ »-3 ♦>- signifie en arabe « ventre » ou « entrailles de l'élé- phant ». Le « dj » n'existe pas en peul et y est remplacé par un « dy » (d mouillé») : l'expression citée sera donc prononcée dyawfulfili on dyûfulf'ilt par un Peul.

CHRONIQUES DU FOUTA SENEGALAIS 21

liens de parenté du côté de la mère du Idm-Termes et qu'il y avait eu, parmi les sujets du susnommé Manna, une tribu de 'Ernies dont est issue une fraction des Dydwbe. Le nom du làm-Termes précité était Makka fils de Makam fils de Bûdyd fils de Gelddyo fils de Hammadi fils de Senuma; de lui descend la maison de Demba-Bdyi-Tyôyo du village de Ngidyilon et celle de Dydgaraf-Bâdel du village de Tyilon. Il régna sur le Fûta du Tôro, avec un pouvoir incontesté et sans avoir à faire la guerre, durant trente ans. Il avait comme nom de clan Dyah. Sa résidence était au Dallol, mais auparavant il avait habité aussi à Gîmi.

Ensuite arriva le Idm-Tdga, mais il ne régna pas sur la totalité du Fûta : son autorité ne s'exerça pas en dehors du canton de ses sujets directs, appelé Tdga; il régna sur cette tribu durant quarante ans. Il ne se livra qu'à des ex- péditions guerrières contre les villages, jusqu'à ce que Dieu eût anéanti son pouvoir par la main de la dynastie de Tengella, comme je le raconterai tout à l'heure. Il a des descendants dans l'est des environs de Kumballi, c'est-à- dire de Magdma.

Ensuite arriva i^o/z, fils du roi du Manden Sundyata^Xs de Mohammadu fils de Kinânata, d'origine himyarite; sa mère était Fûta-Gay dWe de Sigâni-Makam {i) . Son ancêtre Kinânata le Himyarite était parti de l'Orient et venu dans le pays du Manden, accompagné de vingt mille guerriers; il y avait avec lui un homme appelé Mahdma fils de Mahmûdu; ils se séparèrent l'un de l'autre au Dallol, se fixa Mahdma fils de Mahmûdu; quant à Kinânata, il

(i) Les traditions orales du Foùta donnent ce nom sous la forme Sigâ- hâakam ; à remarquer qu'en mandingue Sigani est le diminutif de Sigâ.

22 CHRONIQUES DU FOÛTA SENEGALAIS

poursuivit sa route vers le pays du Manden, accompagné du nombre précité de guerriers, se rendit maître du pays en question et y régna pendant quarante ans. Il fut rem- placé par son fils Mohammadu, qui y régna pendant cin- quante ans. Ensuite régna sur ce pays Swnrfjrafa, après des circonstances qu'il n'est pas utile de rapporter ; il demeura soixante-dix ans au pouvoir, et ce fut lui qui engendra Koli.

Les traditions relatives à la venue de Koli sont nom- breuses ; Dieu le très haut connaît mieux que personne la vérité parfaite à cet égard, mais le plus probable concernant les lieux il résidait auparavant et d'où il émigra vers le territoire du Fûta du Tôro, est qu'il habitait un pays appelé Badyar et que, partant de là, il se rendit au Nyàn, y fit la guerre au roi de ce pays nommé Sambo-Dabbel et le tua. Reprenant ensuite sa route, il se rendit à Badon- Tyolli, puis traversa la rivière des Keve, passa par Béli-Ba- don et par le Nyokolo-Kôbà, traversa la rivière Fârâkô, passa par Wûtufere-Lengèdye, puis par Hôre-Mawba, puis par Galô^ puis par la mare (i) de Ndmi, puis par Bulel, puis par Tyipi, puis par Sutûtd, puis par Kaparta, puis par Kusan-Tunkè, puis par le village de Gambi, puis par Kode-Koli, qui fut appelé ainsi parce qu'il y avait renversé ses provisions de route, chose qui se dit de cette façon dans la langue des étrangers (2); ce dernier endroit se trouve entre Gambi et Nammarde.

Ensuite il fit halte auprès de la montagne de Kôran, entre Gulmi et Yàfere. C'est que Tengella fils de

(i) Le mot employé par l'auteur (jj*^^) signifie proprement « bas- sin » ou « réservoir ».

(2) Kode Koli signifie en peu! « les boules de farine de Koli ». C'est ce que veut dire l'auteur, qui désigne sous le nom de « langue des étrangers »

ou plus exactement « langue des non-Arabes » (f»-^^^' ^) toute langue afri- caine autre que l'arabe.

CHBONIQU{:S DU FOÛTA SÉNÉGALAIS 8?

Gedal, etc., son père nourricier (i), passa au nord du fleuve pour aller résider à l'est de Nyôro en une localité appelée Dyàra.

Quant à KoH, il poursuivit sa route par Gurel-Hàyre^ Dyëkulàni, Gawde-Bôfe et Fadyar, il tua le kok' koren-faren, ainsi que le iils de celui-ci, Ndûmân-Fegët Puis il fit halte à Fora, et y tua Tyongolo et son fils Dyâdye-Tyongolo. Ensuite il fit halte à Nabbâdyi et tua un roi appelé Dibêri ainsi que son fils Dyâdye-Dibçri, lesquels se rattachaient tous les deux à des compagnons de son père résidant au Manden et appelés Subankdbe, l'appa- rentement se trouvant du côté de la mère du père de Dibêri. Ensuite il fit halte auprès de Dârû chez le Dâru-faren, en un village appelé depuis Bokki-Dyove, et y rua un kokko- ren-faren surnommé « le premier » (2). Ensuite il fit halte à 'Afiyam-Godo, il tua un fareû qui avait le pas sur les deux tués déjà dont mention vient d'être faite en cet écrit. Ce village de 'Any^am-Godo et celui qui le remplaça étaient alors le séjour d'une tribu appelée Wodàbe. Il y résida du- rant vingt-sept ans environ.

Au cours de cette période, il tua le faren Mahmûdu fils de Dâma~Ngille fils de Mdri fils de Musd fils de Mûmin Tà'im fils de i)â'î7?2 (3),dont ilestdit dansleschroniques(et Dieu le très haut le sait mieux que personne) que leur ori- gine remonte à Alexandre le Grand (sur lui soient la prière et le salut !). Il le tua dans le village de Wàyel, lequel fut

*

(i) Le mscr. A porte i r>f*-, ce qui ne veut rien dire; il faut lire

évidemment s ^*h « son père nourricier », expression qui d'ailleurs se retrouve plus loin dans A et qui n'est pas douteuse dans B.

(2) JjVi. Sans doute pour le distinguer du personnage portant le même titre mentionné précédemment.

(3) La lecture de ce mot est douteuse dans A, qui semble porter jvl^

(Dayum), mais B porte nettement p*i.3.

24 CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS

appelé depuis Wàwnde; ce Mahmûdu résidait en ce temps-là dans la ville de Dyâra et était roi du pays des Dyàwara. Koli tua aussi son frère Dyambere fils de Dâma-Ngille. Il les tua à l'aide de l'arc de Nîmd, fils de Tengella fils de Gedal fils de Lïge fils de Hedalde fils de Bodewal fils de Màkajna fils de Hubba fils de Ydsin fils de Ydba fils de De' ta fils de 'Ali fils de Mahmûdu fils de Yero fils de Lamin fils de Makam fils de Suleymdn fils de Be/a/ fils de Mdlik fils de Silamaka fils de '£"^^1/: fils de Pâfe fils de De'fa fils de 'Okbatu fils de 'Amir (que Dieu le très haut lui marque sa satisfaction!). Le même ATfma [avait pour mère Bonko fille de 5ô//|(i) fille de Yero fils de Dyéri fils de Dyibrilu fils de Dyûmen fils de Darâma fils de Dyâdye fils de '£'/î fils de Yaladi fils de Dyddye fils de Sanre fils de Bodewal fils de Màkama.

Voici quel fut le motif du meurtre du faren Mahmûdu par le compagnon de i^o/î appelé Nïmd descendant de Yero. La ville de Dyâra ayant été décrite un jour à Koli, celui-ci envoya douze hommes auprès du roi de cette ville, le faren Mahmûdu fils de Dàma-Ngille fils de Môri fils de Mûsd fils de Mûmin fils de Tà'im fils de Dà'im, pour qu'ils sussent la vérité sur ce qui lui avait été dit de cette ville et de l'étendue du royaume. Lorsque les envoyés de Koli arrivèrent auprès du faren Mahmûdu ^ celui-ci s'empara de leurs personnes et les logea chacun dans une maison spé- ciale, donnant à chacun une servante avec tout ce dont elle avait besoin en fait d'ustensiles de ménage; ils demeurèrent deux ans, puis Mahmûdu les renvoya à Koli après leur avoir mis des chaînes d'or au cou^ aux mains et aux pieds. Lorsqu'ils furent arrivés auprès de Koli, qui résidait alors à 'Anyam-Godo, et qu'ils lui eurent fait connaître

(i) Le mscr. B ne donne que la généalogie paternelle de Nimà ; c'est le mscr. A qui donne sa généalogie maternelle, en oubliant d'ailleurs les noms de sa mère et de sa grand'mére, qui ont été restitués oralement par l'au- teur.

CHRONIQUES DU FOÛTA SENEGALAIS 25

toutes les merveilles qu'ils avaient vues à Dyàra, il remercia Dieu de ce que les gens de là-bas étaient polythéistes, ce qui lui permettait à lui-même d'attaquer la ville de Dyâra. Puis il se rendit au village de Wàyel, qui fut appelé plus tard Wâwnde par suite d'un changement de prononcia- tion; il organisa son armée et envoya une colonne contre Dyâra. Lorsque la colonne y arriva, elle fut repoussée par lefaren Mahmûdu et son frère Dyambere jusqu'au village de Wâyel, se trouvait Koli, et lefaren Mahmûdu dis- posason armée autour du village. Koli lui dépêcha alors un de ses esclaves surnommé « tranchant de poignard » en langue étrangère (i) et lui fit connaître qu'il n'avait pas l'intention de faire la guerre. Lefaren Mahmûdu lui répon- dit que, s'il était sincère en disant cela, il lui remît entre les mains comme gage de sa parole cent jeunes garçons pris parmi les principales familles de son pays; Koli les lui remit tous sur-le-champ, pour confirmer sa promesse de renoncer au combat. Lefaren Mahmûdu confia ces jeunes garçons à son frère Dyambere, afin qu'ils constituassent la garantie de la paix conclue entre lui et Koli. Mais son frère Dyambere les tua tous à la fois durant la nuit. Lorsque le jour eut paru et que Koli réclama au faren Mahmûdu ces jeunes garçons qu'il lui avait remis en gage de leurs intentions réciproques, lefaren Mahmûdu les réclama à son frère Dyambere et Dyambere lui dit : « Je les ai mangés hier à souper. » Lefaren Mahmûdu lui dit : «C'est un malheur que tu as fait ! » Et alors Koli les combat- tit tous les deux, jusqu'à ce que Dyambere et son frère le faren Mahmûdu eussent péri sous l'arc de Nimd.

Durant l'époque Koli résida à 'Anyam-Godo (2), il tua aussi le farba de 'Erem, en un lieu appelé Tyilon-'Erem

(1) j*>mJ1 <ài ^ ^^e^>c)\ J^a J!L»— Jl. Le surnom de cet esclave était

Mbelam-labi, ce qui signifie en effet en peul « tranchant de poignard ».

(2) Littéralement « Et pendant cette durée »,

20 CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS

et situé au nord du fleuve aux environs de Dyowol; ce chef s'appelait le farma Demba- Birdma-Hàri ; des rameaux provenant de son lignage se trouvent dans le village de Dyàba.

Durant cette même période, il tua encore le bummudy Mbenyi-Gilèn-Tase^ qui résidait au village de Hôre-Fônde. Il tua à la même époque le /ar&a de A^d[)^Mwz, qui était Tyëw fils de Birom fils de Mbanyi ; il tua encore à la même époque \q far-Mbàl Malal-Sago. Durant la même période, iltuale/arade Wâ/aWe [qui était] Sà/u??î-Fara (i). Durant la même période, il fit la guerre au lâm-Tôro 'Àli fils de 'Eli fils de Band fils de Birom fils de Mbolu fils d'Awkam, après qu'il eut cha.ssé.'' Eli- Band vers la province du Sâlum; Eli-Band y mourut d'une piqûre de serpent au village de Kahôn et alors sa famille revint sur le territoire du Fûta du Tôro, les uns allant à Gede et les autres se dispersant à travers le territoire du FiÂta du Tôro; c'est après cela que Koli fit la guerre à 'Âli- Eli-Band^ jusqu'à ce que le Tôro se fût soumis à son commandement et à son autorité. En- suite il épousa sa fille (2) Fâyol-'Àli, dont il eut Yero-Kolij Labba-Koli, MUse-Koli et Banel-Koli.

Durant la même période, il combattit Vardo Yero-Dide, près d'une localité du Sàhel appelée Gîme, et tua ce Yero- Dide qui était ardo des Dydwbe, après que Yero-Dide l'eut vaincu trois fois ; puis il s'empara de tout ce qui se trouvait en fait de richesses dans le village de Gime : la totalité de ce dont Koli s'empara en ce lieu en fait d'animaux domestiques se montait à 40.447 chevaux de première qualité. C'est à ce moment-là que Koli devint maître d'une puissante cava- lerie, car auparavant il possédait des chevaux, mais peu en comparaison de ce nombre d'animaux.

(1) C'est-à-dire « Sâlum, fils du fara ». L'auteur, ignorant le nom du père de Sâlum, a remplacé ce nom par le titre de fara. Le titre de fara- Wâlalde ou farba-Wûlalde (gouverneur de Wâlalde) était l'apanage de certains chefs du Foûta dépendant de Diâra (voir ces différents mots au glossaire).

(2) La fille de 'Ali-Eli-Bana.

CHRONIQUES DU FOUTA SENEGALAIS 27

Ensuite Koli revint au Fûta du Tôro, tandis que Dembaka- Tyalle et Biràma-Tyalle allaient vers les environs du pays des Dyàwpe (i). Le roi précité en effet (2) possédait un royaume des plus étendus, qui commençait en partant de l'est à un endroit appelé Dallol, d'où se disait originaire la tribu des Dydwbe connue en effet pour provenir de là, et finissait en face de Dagana. Les familles de cette tribu s'étant dispersées, une partie d'entre elles se rendirent à Ndyum, puis k Démet, et ensuite à 'Ôlol-Dyàwbe. Sôtuma- Dyâwo et ses fils se dirigèrent vers le village de Tyilà et en leur compagnie se trouvait une famille de tisserands appelés Bôbonàbe. Il y avait aussi dans le Hàyrengàl des familles de tisserands qui étaient placées sous Tautorité de Yero-Dïde : elles se dispersèrent à cette époque et une par- tie d'entre elles se dirigèrent vers le Hàyre situé au sud du fleuve, ainsi qu'on désignait autrefois cette région. Il y avait encore dans le Hàyrengàl des familles de nègres appelés Hàyrankdbe; ces familles se dispersèrent à cette époque, se dirigèrent du côté de l'est et s'établirent dans le Gadyàga et les régions adjacentes. Il y avait quelques familles de Dyàwambe dans le village de Gîme : elles se séparèrent, une partie d'entre elles se dirigeant vers le Manden en un lieu appelé « la butte de Màli-Dabi » ou Tulde-Màli-Dabi (3), et d'autres suivant Koli fils de Sun- dyata. Il y avait aussi dans le village de Gîme des familles entièrementcomposésde Fzr/â^e qui se dispersèrent. Quant à la tribu appelée Sàwsàwbe, elle se dirigea vers l'est et s'établit au Manden, puis elle quitta ce pays et s'installa à l'ouest de la montagne de Turo'aw. Il y avait également

(i) Littéralement « de leur pays », mais le verbe est au duel et le pos- sessif au pluriel : jV*-*-w iS^^y ti' 1**^. Dembaka et Birâma étaient

les neveux utérins de Yero-Dide par leur mère Tyalle, fille de Dïde et sœur de mère de Yero-Dide.

(2) Ce roi ne peut être que Yero-Dide, ardo des Dyclwbe.

(3) Le mot tulde signifie en peul « butte de terre ou de sable, dune ».

28 CHRONIQUES DU FOÛTA SENEGALAIS

dans le village de Gime une famille de Dyallube : c'est celle qui alla habiter à l'ouest de la montagne précitée, qui acquit la souveraineté sur les chefs des gens du pays et dont est issu Vardo des Dyallube ; les villages elle s'ins- talla furent appelés Twru/ et 'Ai^û^w, de deux noms qu'on fait venir de Turo'aw : la réponse à cette hypothèse sera celle que vous voudrez. C'est sur ces Dyallube que tomba par la suite le satigi du Dekle, et alors ils quittèrent ce lieu, s'établirent plus tard des Haymedàt dont le nom fut donné à l'endroit en question.

En outre des tribus précitées, il y en avait beaucoup qui ne sont pas énumérées ici : je ne présente que l'histoire de l'ensemble, en tirant mes excuses de l'éloignement de l'époque et de la brièveté du moment écoulé entre ces dis- persions et la disparition de beaucoup de ces annales envo- lées avec les oiseaux gainés de cuir (i) des plus anciens savants soudanais; le roi dont il vient d'être question, en effet, possédait un royaume des plus étendus, ainsi que je l'ai dit déjà.

Cependant Koli le précité s'était arrêté dans le Fori et y était demeuré pendant toute une saison des pluies pour faire paître ses troupeaux; il avait également séjourné à Dyinge et aussi au Bàdyàr.

Après les événements susdits, Koli se transporta dans le territoire de Dydra, il agit en maître durant plusieurs mois, après avoir laissé à 'Anyam-Godo son fils Yero-Koli^ qui vivait sous le toit de Dyam et fut appelé pour cela Yero- Dyam. Koli mourut à Dydra; c'est que se trouve son tombeau, qui était autrefois entouré d'un mur.

Il eut comme successeur son fils Labba, bien que celui-ci

(i) C'est-à-dire les manuscrits, qui sont habituellement enfermés dans une gaine de cuir.

CHRONIQUES DU FOÛTA SENEGALAIS 29

fût moins âgé que Yero-Koli ; ce Labba reçut comme nom complémentaire celui du père nourricier Tengella; il de- meura quatre ans au pouvoir.

Celui-ci eut comme successeur son frère Yero-Koli, qui reçut comme nom complémentaire celui d'un esclave de son père nommé Dyam; Yero-Koli fut ainsi appelé Yero- Dyam, parce que Dyam lui avait servi de père nourricier. Il demeura un an au pouvoir et mourut en un lieu de cul- tures appelé Dyokkude-Kudi, au sud du village de 'Anyam- Godo, lequel était alors la résidence des rois.

Ce dernier eut pour successeur son fils Siré- Yero-Koli, qui régna deux ans.

Celui-ci fut remplacé par son frère Samba- Yero-Koli, plus connu sous le nom de Sawa-Làmu, qui resta vingt ans au pouvoir.

Ce dernier eut pour successeur son fils Bubakar- Sawa- Làmu, plus connu sous le nom de Bubakar -Tabakali Dyâdye-Garme, qui régna trente-trois ans.

Celui-ci fut remplacé par son frère de père et de mère, Siré-Sawa-Lâmu, plus connu sous le nom de Sirë-Taba- kali, lequel régna vingt-deux ans.

30 CHRONIQUES DU FOÛTA SENEGALAIS

Ce dernier eut pour successeur son fils (i) Gelàdyo-Sirê- Sawa-Làmu, plus connu sous le nom de Gelàdyo-Bambiy qui régna dix ans.

Celui-ci fut remplacé par le fils de son oncle paternel, Gelddy'o-Bubakar-Saïua-Lâinu, plus connu sous le nom de Gelâdyo-Tabàra, qui régna dix ans.

Ce dernier eut pour successeur son frère de père Samba- Bubakar-Sawa-Ldmu, plus connu sous le nom de Saniba- Bôyi-Mali-Gata (2), lequel régna vingt-trois ans.

Celui-ci fut remplacé par son frère de père Gelddyo- Bôkar- Sawa-Ldmu, plus connu sous le nom de Gelddyo- Dyégi, qui régna dix ans.

Il eut pour successeur Sawa-Donde, qui régna trente- cinq ans.

Gelddyo-Donde lui succéda et régna trente ans. Ensuite régna Gata-Kumba, pendant un mois et demi. Ensuite régna Dyam-Hold, pendant deux ans.

(i) B porte « le fils de son oncle » au lieu de * son fils » que donne A; cette dernière leçon est la seule acceptable. Ce GeCàdyo-Sire avait pour père Sirë-Sawa-Latnu et pour mère Bambi.

(2) Du nom de sa mère Buyi, fille de Mali, fille de Gâta, fils de Sôgi, fils de Vêle, fils de Soiii, fils de Mâliga. Le roi Samba-Çôyi est appelé « Samba- Boué » par le Père Labat.

CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS 3l

Ensuite régna Sirè-Garme^ pendant trois ans.

Ensuite régna pendant vingt ans Bûbu fils de Samba fils de Bdkar fils de Sawa-Lamu, connu sous le nom de Bûbu- Musd-Hamadi-Silman.

Ensuite régna Dyàdye-Hold, pendant vingt-trois ans.

Puis le trône fut disputé entre Konko fils de Bûbu fils de Samba fils de Bôkar fils de Sawa-Làmu, connu sous le nom de Konko-Bûbu-Musd, et son oncle du second degré (i) Samba fils de Gelàdyo fils de Bôkar fils de Sawa- Lâmu, connu sous le nom de Samba-Gelàdyo-Dyêgi. Konko invoquait contre Samba-Gelddyo les droits que lui conférait son âge plus avancé, et Samba-Gelddyo invo- quait ses droits d'ascendance contre Konko, ce dernier étant au rang de fils par rapport à Samba-Gelddyo-Dyëgi d'après leur généalogie, bien que Konko fût son aîné en âge. Ils se battirent en de nombreux endroits, et notam- ment en premier comme en dernier lieu à Bilbasi, grève sablonneuse du fleuve située à l'est de DyowoL Samba- Gelddyo avait imploré l'assistance de la tribu de sa mère, les Sèybôbe du village de Dekle, car sa mère et l'ancêtre de cette tribu descendaient du même individu, la mère de Semba-Gelàdyo étant Kumba Ç\\\q à.Q Dyolngal {2) fille de Takko fille de Dyonnyana fille (3) de Nimd descendant de Yero, lequel Nimd était apparenté à la tribu des Sèybôbe du village de Dekle par la fille de ses reins, c'est-à-dire Hold- Nimd; puis il avait imploré en outre l'assistance des Ara- Ci) Littéralement * son petit père » ( ^^-«^i <;j1) dans A et dans B.:

Konko était en réalité l'arrière-petit-fils de Bôkar par Samba-Bôkar, tandis que son compétiteur était le petit-fils du même par Gelàdyo- Bôkar.

(2) Dyolhgal, mentionnée par A entre Kumba et Takko, a été omise par B.

(3) A et B portent ici « fils » et non « fille » bien que, d'après la tradi- tion, Dyonnyana fût une femme.

32 CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS

bes (i). Lorsqu'ils se furent battus à Bilbasi pour la der- nière fois, aucun d'eux n'avait été vainqueur de l'autre ; Konko demeura au Fûta avec son frère Sule-Bûbu-Musd, plus connu sous le nom de Sule-Ndyày, avec son frère Siré-Bûbu-Musd, plus connu sous le nom de Siré-Ndyày, et avec son frère Bakkar-Bûbu-Musd, ainsi qu'avec l'en- semble des ministres et généraux qui constituaient, autre- fois comme plus récemment, la force du royaume. Lors- qu'ils se furent séparés en cet endroit, Samba-Gelàdyo- Dyëgi s'étant retiré à Dyam-Veli, dans la province du Bundu, le Fûta du Tôro passa volontairement et en tota- lité sous l'autorité de Konko-Bûbu-Musd, qui y exerça le pouvoir royal pendant trente ans.

Il eut pour successeur Sule-Bûbu-Musd, plus connu sous le nom de Sule-Ndyày, qui gouverna le pays durant quarante ans d'excellente façon et dont le règne fut exempt des fîammes de la guerre civile. C'est ainsi qu'il mit des menottes aux mains de tout voleur, coupeur de routes ou brigand, qu'il usa de la vérité et s'abstint du mensonge pen- dant toute sa vie, qu'il octroya de nombreux présents con- sistant en richesses et autres choses sans autre but que de faire plaisir. Que Dieu lui pardonne les fautes qu'il a com- mises, par la puissante intercession du prince des prophè- tes : ainsi soit-il!

Il avait un frère plus âgé que lui, Siré-Bûbu-Musd, qui fut malade pendant toute la durée de son règne ; lorsque Sule-Bûbu-Musd mourut, ce fut ce Sirè-Bûbu-Musd qui lui succéda. Il mourut après trois ans de règne.

(i) Il s'agit des Maures f^uerriers ou Hassan, qui sont considérés comme étant de souche arabe.

CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS 33

Il fut remplacé par Yero-Sade, qui régna cinq ans. Ensuite Samba-Gelddyo-Dvëgi régna trois ans. Il fut remplacé par Sirë-Donde pendant sept ans. A ce dernier succéda Sule-Ndyây « le jeune », qui régna dix ans.

C'est sous le règne de ce dernier que le royaume de la dynastie (i) de Tengella subit un amoindrissement, du fait de l'ambition du royaume des satigi du Dekle. C'est de son temps que le Fûta du Tôro fut partagé entre le prince appartenant à la dynastie de Tengella et le satigi du Dekle, la limite entre les deux États étant constituée par la mon- tagne de Giray, le premier exerçant son autorité au sud de cette montagne et le second au nord. Il en fut ainsi jus- qu'à ce qu'eût été tué le satigi du Dekle nommé Samba fils de Bûbu fils de Bûbu (2) fils de Bôli fille de Hold fille de Nimd, après que le satigi du Dekle fut allé chercher du secours auprès de certaines tribus maures contre le roi précité Sule-Ndydy « le jeune ».

C'était l'habitude de la cour du satigi du Dekle, à cette époque, de faire une incursion dans le territoire du Fûta du Tôro en compagnie des Maures lorsque venait l'été et de tuer ou piller tous ceux qui avaient des accointances et des attaches avec la dynastie de Tengella ; d'autre part, c'était l'habitude de la cour du satigi de la dynastie de Tengella de faire à son tour une incursion dans le terri- toire du Fûta du Tôro lorsque venait l'automne et de tuer ou piller tous ceux qui avaient des accointances et des at- taches avec le gouvernement du satigi du IDekle. Le gou- vernement du Dekle s'appuyait sur certaines tribus maures

( I ) Littéralement « le royaume des enfants de Tengella » (Zm> /<J *^J^ dams A et Z)^ .sVjl ^ji dansB).

(2) A a oublié un second Bûbu entre le premier et Bôli.

3

34 CHRONIQUES DU FOUTA SENEGALAIS

et le gouvernement de la dynastie de Tengeila s'appu}-ait sur la crue automnale.

Il en fut ainsi jusqu'au jour Sule-Ndydy « le jeune » eut tué par trahison le satigi du Dekle nommé Samba fils de Bûbu fils de Bûbu fils de Samba fils de Bûbu fils de ^Awdi fils de Sawa-Donde (i).

Après que ce satigi du Dekle fut mort au cours de sa lutte avec Sule-Ndyàv « le jeune », ce dernier tomba ma- lade à la suite d'une razzia qu'il fit sur les troupeaux de Velimdn-Lewd, c'est-à-dire de Bûbu fils de Sirë fils d'Ibrd fils de 'Â/Ofilsde Hammë fils de Silman fils de Bukdr fils de 'Eli fils de Band, plus connu sous le nom de Haymût fils de Takko fille de Mdlik fils de Rdsin fils de Bûbu fils, de Hammé-Dyûldo-Kan.

Il fut guéri ensuite grâce aux soins du tyèrno des Funèbe, c'est-à-dire d'Ahmadu fils de Siré fils de 'Àli fils de 'Ab- dulldhi fils d'Alhasan fils de Dowut fils de 'f*// fils de Fa- dalla, plus connu sous le nom d' A hmadu-Tak ko- Dyaliy a, qui résida d'abord à Hdyre-Funébe et ensuite au village de 'Ôgo.

A la fin de son règne, il reçut la visite du cheikh Suley- mân-Bdl fils de Rdsin fils de Samba fils de Bukdr fils d'Ibrdhima fils de Nyokor fils d' Ibrdhima fils de Mûsd fils de Suleymdn, qui tous descendaient de ^Okbaiu fils de'Âmz'r : que Dieu leur marque sa satisfaction à tous sans en oublier aucun ! Sule-Ndydy^ « le jeune » mourut à peu près au moment de la venue de ce cheikh auprès de lui.

Il fut remplacé par Sw/efils de Bûbu fils de Sawa-Donde {2), plus connu sous le nom de Sule-Bûbu-Gaysiri-Dewal-

(i) Telle esi du moins la généalogie de ce prince d'après les deux mscr.; mais Siré-Abbâs l'a rectifiée oralement comme suit: «.Suie fils de Bûbu fils dt Samba-Bôyi »; quant à Gaysiri (fille de Dewal fille làc Saiva-Lùmu), c'était la mère de BubCi père de Sule-Bùbu.

CHKONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS 35»

Sawa-Lâmu-Yero-Koli^ qui régna cinq ans dans le village de Horkadvere, un an dans le village de Tulel, un an en bonne santé dans le village de Wdli et un an malade au même village de Wâli. C'est après sa guérison qu'il fut témoin de la floraison de la religion dans le territoire du Fûta du Tôro; c'est lui en effet qui combattit contre l'imâm 'Abdulkàder, après que celui-ci eut été élevé à la dignité d'imàm (i) du territoire du Fûta du Tôro.

Quant à Bubakar-F àtumata^ qui appartenait par son père à la tribu des Sèybôbe issus des survivants de la pos- térité de ce Manna dont il a été parlé et, par sa mère, à la famille de la dynastie de Tengella, sa mère étant Fdtuma fille de Gelddyo iils de Dara fils de Sirè fils de Sawa- Lâmu, ce fut lui qui envahit le territoire du Fûta du Tôj'O avec les Maures, du vivant de Siile-Bûbu-Gaysiri, car il était devenu un Maure; il fut tué au cimetière de Bûr, au nord du village de Dydba, par la main d'un jeune esclave du cheikh Suleymdn-Bdl, et fut enterré auprès de 'Anyam- Siwol ; il résidait en effet au sud du village à^'Anyam- Siwol, en un endroit appelé Beyiulldhi. Mais il ne posséda pas réellement le commandement du Fûta du Tôro.

Quant au Tengella dont il a été question précédemment, ce n'était pas le père de Koli, mais seulement son père nourricier, sans contestation possible. Ce Tengella était fils de Gedal fils de Lige fils de Hedalde fils de Bodewal fils deMdkama ; il fut l'ancêtre des tribus des Ydlalbe des hautes terres comme de ceux du fîeuve. En ce qui con- cerne Koli, il était fils d'un roi du territoire du Manden et une longue histoire a cours à ce sujet.

Quant à la conversion de Sule-Ndyay « le jeune » entre

(i) Vulgairement « almami », selon la prononciation usuellement donnée dans le Foûta au mot arabe « al-imâm ».

36 CHRONIQUKS DU FOÙTA SÉNÉGALAIS

les mains du cheikh Suleymàn-Bàl, c'est une pure inven- tion qui n'a pas son équivalent dans ce qui est raconté à ce sujet par les chroniques : ce n'est pas lui, mais bien son homonyme Sule-Ndyày « l'aîné », qui fut le seul con- verti parmi les princes de la dynastie de Tengella ; il se convertit par la grâce de Dieu entre les mains d'un chérîf appelé ' Abdullâhi fils de Maghfiir, à la suite des circon- stances suivantes. Le chérîf précité nourrissait Siré-Sule- Ndyây, fils de ce prince, de la science de la royauté, lui apprenant par groupes de phrases ce qui ôte le pouvoir aux rois et ce qui le leur conserve et l'imbibant de cet enseigne- ment phrase par phrase dans un pays du Sdhel, ainsi que c'était jadis la coutume chez les princes de la dynastie de Tengella. Lorsque le chérîf précité arriva auprès de Sitle- Ndyày « l'aîné » avec son fils précité Sirë-Sule-Ndydy, ils trouvèrent ce prince malade ; ensuite, quand il fut guéri grâce aux remèdes du chérîf précité, ce chérîf lui procura le repentir, assisté en cela par le fils de ce prince, Siré- Suie- Ndyây , et Sule-Ndyày « l'aîné » se convertit : que Dieu lui pardonne toutes les fautes qu'il commit du- rantson règne! Ceci a été retrouvé dans un récit de ïelimdn' Lewd Haymût-Takko-Mdlik-Rdsin. Que Dieu soit glorifié pour cela !

Mais revenons à ce que nous voulions raconter au sujet de Sule-Ndyây « le jeune », du motif de sa mort et de ce qui arriva entre lui et le cheikh Suleymdn-Bdl fils de Rdsin fils de Samba fils de Bukdr fils d' Jbrdhima fils de Nyokor fils d'/^râ/iîmafils de Mûsd fils de Suleymdn fils de Ru'rubah ù\s de 'Okbatu fils de 'Àmir (Dieu le très haut sait mieux que personne si cette généalogie est exacte). Voici les cir- constances de l'affaire qui arriva entre eux deux. Lorsque se leva l'astre de toutes les faveurs dont Dieu combla le cheikh Suleyinân-Bàl {que Dieu le très haut lui fasse miséricorde !) et qu'il brilla aux yeux des Musulmans répandus dans les citadelles de ceux qu'avait convertis la grâce de Dieu le très

CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS Sj

haut, ce personnage s'achemina vers la province du Fûta- Dyallon en se livrant à l'étude de la science et, quand il se fut suffisamment assimilé la majeure partie de la science bénie pour en faire profiter les Musulmans, il demanda aux savants de ce pays d'invoquer Dieu contre le gouvernement païen des princes de la dynastie de Tengella^ dont l'his- toire a été racontée plus haut. Ces savants répondirent à son appel en la circonstance. Ensuite, il partit de et se rendit au village de Dyàba, il consulta sur l'opportu- nité d'être miséricordieux (i)le commentateur du ^oggel{2)y Afimadu fils de Samba fils de Demba fils de Bûbu fils de ^Àba fille de Nûhu fils d'Ibrâhima fils de NyokoVy etc. Le commentateur Ahmadu-Sainba l'adressa à Mahmûdu fils de 'Àli fils de Râsin fils 'de Àli fils de 'Umur fils de Mohammadu fils de 'Umur fils Ibrdhima fils de Dyam- Lih. Quand le cheikh Suleymàn-Bàl fut arrivé auprès de ce dernier, il le consulta sur la façon dont il pourrait as- surer le triomphe de la religion, et Mahmûdu fils de *Ali lui conseilla de se rendre auprès du satigi de la dynastie de Tengellay qui se trouvait au village de Horkadyere.

Une fois arrivé auprès de celui-ci, le cheikh lui demanda l'autorisation de loger dans le village de Horkadyere, mais le satigi, c'est-à-dire Sule-Ndyày «le jeune », la lui refusa et lui interdit de loger dans le village royal. Le cheikh dut camper un certain temps en dehors du village, en s'abri- tant à l'ombre de son manteau, et il se mit à prêcher ceux qui venaient à lui, jusqu'à ce que ses exhortations eussent emprisonné dans leurs filets la plupart des oiseaux de haut vol et des aigles du royaume du 5a//^j (3). Croyant

|i) Sous-entendu « envers la dynastie de Tengella », qui représentait à cette époque le paganisme.

(*2) iJÂ ^ 11. J'ai traduit littéralement le texte arabe, mais le person- nage en question est connu au Foûta sous le titre de tafsiru-boggel (voir ces deux mots au glossaire), que l'on rencontrera plus loin dans d'autres passages.

(3) « La plupart des principaux chefs du royaume » dans A.

38 CHRONIQUES DU FOÛTA SENEGALAIS

sur de faux rapports qu'on avait dérobé pour les chameaux du cheikh la paille du gouvernement (i), le roi Sule- Ndyày « le jeune » partit de nuit en pirogue pour aller chercher l'armée chez les deux chefs qui la commandaient et qui résidaient l'un au village de Wâli et l'autre à Tulel, car il ne pouvait aucunement se fier sur ceux qui étaient auprès de lui. On était alors en automne. Comme il arri- vait à mi-chemin entre le village précité de Horkadyere et la rivière de Dyulol, qui fait partie du territoire de ce vil- lage, dans les rapides du courant lui apparut un être res- semblant à un génie femelle; Sule-Ndydy « le jeune» empoigna un fusil qu'il avait avec lui et le braqua sur ce génie ; mais lorsque s'éleva la fumée, le fusil éclata entre ses mains, et la blessure qu'il reçut de ce fait causa sa mort.

Peu de temps après qu'il eut péri de cette façon, il fut remplacé par Suie- Bûbu-Gay sir i, et celui-ci fut témoin de la fîoraison de l'Islam et de la religion dans son pays, ainsi qu'il a été dit précédemment.

Le cheikh Suleymdn se mit alors à prêcher à ces hôtes nouveaux (2) le massacre des Maures qui avaient l'habitude de faire des incursions dans le territoire du Fîitaàw Tdro en compagnie des seigneurs du royaume des satigi du Dekle. Auparavant, le cheikh Suleymdn-Bàl avait pris l'avis des docteurs du Fûta du Tdro, tels que le commen- tateur du boggel Ahmadu fils de Samba fils de Demba fils de Bûbu fils de 'Aba fille de Nûhu û\s d' Ibi'àhiîna fils de Nyokor, etc., et du chef d'une tribu de l'est du Bôseya, qui n'était autre que Mahmûdu fils de 'Ali fils de Râsin.

(i) Peut-être faut-il entendre cette phrase au sens figuré ainsi que la pré- cédente et lire: « Croyant sur de faux rapports que le cheikh cherchait à accaparer à son profit l'autorité dont jouissait jusque-là le gouvernement », etc., etc. Le mscr. A remplace en effet ce membre de phrase par celui-ci : « Persuadé que c'était une atteinte à son propre prestige, etc. ».

(2) Par il faut entendre les habitants du Foûta récemment convertis à J'islamismc.

CHRONIQUES DU FOÙTA SÉNÉGALAIS Sq

Cederniers'entenditavecledocteur(i)'AmarrilsdeSe)-rfi(2) fils de Yero-Buso-Demba-Ibrâhima-Nyokor pour éprouver le cheikh Suleymân-Bàl, afin de savoir si celui-ci était <:ontinent et s'abstenait des choses défendues ou non, et ce fut 'Amar qui l'éprouva, jusqu'à ce que sa continence et sa piété leur fussent devenues manifestes. Alors le cheikh Suleymân se mit à combattre les iMaures dont il a été -question, c'est-à-dire \es>' Ulàd- Abdalla. Ceux-ci comptaient des troupes nombreuses et s'étaient rassemblés tous en une seule armée à cette époque, pour faire la guerre aux Noirs. Le cheikh Suleymdn-Bàl lutta contre eux en compagnie du commentateur du boggel Ahmadu-Samba et de Mah- mûdu-'Àli-Ràsin, qui appartenaient tous les deux aux Lidube de Drâbaet qui sont les ancêtres de tousles Lïdube de Tvilon. Avec eux se trouvaient aussi le docteur 'Ajnar- Seydi et d'autres gens du Fûla du Tdro, par exemple des gens du Ngenâr, du Bdseya, des Hebbiyàbe, des Yirlàbe du Dyéri, des Yirldbe de VAlayidi, du Lâo, des Halaybeet du Tôro. Cette guerre dura sept ans.

Lorsque les flammes des gouvernements païens avaient été éteintes, le cheikh Suleymdn-Bàl avait ordonné de mettre un imâm à la tête du pays du Fûta du Tôro. Les gens du Fûla lui dirent qu'ils n'agréeraient que lui en cette qualité, mais il jura, par son maître (3) et par le lait de sa mère Maymûna fille de Yumu-Dyeng fille de Lamin- Birân, qu'il ne serait pas imâm du pays du Fûla du Tôro. Ils se mirent alors d'accord sur le nom du cheikh 'Abdul-

(i)jv*uul littéralement « le sagace, celui qui comprend »; cette épithète

est fréquemment employée au cours de ces chroniques comme titre scienti- fique et peut se traduire par « docteur ». La plupart des personnages dont l'auteur tait précéder le nom de cette épithète sont connus au Foùta sous le titre d'al/d (voir ce mot au glossaire).

(2) -X**-. Employé comme nom propre, ce mot est prononcé au Foùta

tantôt Seydu et tantôt Seydi ; ici les voyelles manquent.

(3) C'est-à-dire « par Dieu ».

40 CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS

karimi le Dyàwando, qui résidaitau village de Seno-Pâ/e/. Mais, lorsqu'ils eurent envoyé auprès de ce dernier pour l'en informer, il se récusa par suite d'impossibilité majeure et leurdésigna'AMit/Aà<^erfils de Hammadi ^\s à' Alhddyi- Lamin fils de Mât fils de 'Abdullâhi fils de 'Âli, origi- naire de Damas par ses ascendants et à Pdf a- Warnéu, lequel était versé dans les sciences diverses, était un admi- nistrateur intègre et possédait une équité universelle ainsi que toutes les autres perfections.

Lorsqu'il le leur eut désigné, ils envoyèrent auprès de lui au village de 'Appe. Quand ce message lui parvint, il se ré- cusa par un refus, tellement que ce refus les amena devant une cour d'arbitrage, selon le récit consigné dans les écrits des anciens. Il vint donc avec le messager dans le pays du Fûta du Tôro; mais, dans l'intervalle, quelques-uns des no- tables avaient changé d'avis et s'étaient déclarés contre lui: alors ' Abdul-kàder s'éloigna en remerciant son Seigneur.

C'est peu après que 'Abdulkdder fut ainsi retourné chez lui que le cheikh Suleymân-Bdl partit combattre les 'Uldd- Anyidserâu Fon*, cherchant à venger Mahmûdu-Ali-Rdsin, lequel était mort, après la fin de la guerre faite aux'Ulâd-Ab- dalla,dans les circonstances suivantes : les' Ulàd-Annàser{i ) ayant pillé ses propriétés de Dulumddyi-Funèbe, Mahmadw 'Ali-Râsin était parti pour les défendre, et il fut blessé d'une flèche et mourut de cette blessure: que Dieu le très haut lui fasse miséricorde ! Sa mort fut le motif de l'expédi- tion du Fori'. les 'Uldd-Anndser précités habitaient en eff"et en cet endroit. Le cheikh Suleymdn-Bdl partit avec les no- tables mentionnés plus haut et un grand nombre de gens des tribus ci-dessus énumérées, telles que celles du Ngeyiâr, etc., et ils tombèrent sur les 'Uldd-Annâser au For/,- ceux-ci furent mis en déroute, tous leurs troupeaux furent capturés les hommes saisis furent tués et les petits enfants eurent

(i) Ou, d'après A, les 'Ulûd'Abdaila.

CHRONIQUES DU FOÛTA SENEGALAIS 4I

la tête broyée contre les racines des arbres. Lorsque le cheikh Suleymdn-Bâl vit cela, le ciel de son visage s'obscurcit d'un nuage de colère et il dit à ses gens : « Ah ! nous avons dépassé les limites fixées par Dieu le très haut! Nous sommes dans le vrai, répondirent-ils. O mon Dieu, fit-il, nous sommes au delà du vrai et notre intrépidité est allée trop loin, mais nous n'avons pas à nous en inquiéter, car la ruse méchante n'est injuste que si on la pratique vis-à-vis des siens. » Après cela ils retournèrent au Fûta du Tôro. Le cheikh, qui avait jusqu'alors dirigé l'expédition, en passa le commandement au commenta- teur du boggel Ahmadu- Samba. Les 'Ulâd-Anndser eurent alors le dessus sur l'armée du Fûta : le commentateur du boggel Ahmadu -Samba, natif de Dyàba, fut blessé, et mourut de sa blessure : que Dieu le très haut lui fasse misé- ricorde et continue à nous faire profiter de la bénédiction qu'il lui avait accordée! ainsi soit-il. Les Maures blessèrent aussi 'Àli-Dyam dans le village de Hôre-Fônde. Beaucoup de gens périrent au cours de cette expédition, principale- ment des hommes de la tribu des Hebbiyâbe, qui se firent tuer sous le cheval du commentateur Ahmadu-Samba^ au nombre de 42 ou même davantage. C'est au même moment que périrent Mâlik-Tyayfal du village dePefeet Gannè du village de Dyûde-Dyâbi.

C'est également au cours de cette campagne que disparut le cheikh Suleymdn-Bâl : lorsque la nouvelle de ces événe- ments lui était parvenue, il était retourné sur ses pas, mais une fois arrivé au bord du fleuve, il disparut ce même jour et on ne le revit plus ensuite, quoiqu'il y ait des gens qui, dans leur opinion, certifient qu'il fut enterré en cet endroit. Que Dieu prenne la responsabilité de ce que nous avançons à ce sujet! Quant au commentateur Ahmadu- Samba, qui était mort des suites de sa blessure, il fut en- seveli dans les fondations de la mosquée de Dyâba^ à l'est du mihrAb.

^.2 CHRONIQUES DU FOUTA SENEGALAIS

Que Dieu le très haut fasse miséricorde à celui qui affranchit le pays de la servitude et lepurifiade l'ordure du paganisme en le convertissant à l'Islam et en y faisant briller la religion par l'enseignement de la crainte de Dieu, au maître pieux, pur, sagace, passionné, éclatant, cultivé, habile, au cheikh Suleymdn-Bàl fils du seigneur /^âsm(i) fils du seigneur Samba fils du seigneur Bukâr fils du seigneur Ibrâhima fils du valeureux héros (2) précité connu sous le nom de Nrokor fils du seigneur Ibrâhima fils du seigneur Mûsd fils du seigneur Suleymàn! Quant à sa mère, c'était la vertueuse dame Maymùna, qui dut à sa nature compatissante l'origine de son nom (3); elle était fille de Yumu-Dy^eng fille de Lamin fille de Biràn.

Qu'il fasse miséricorde aussi à celui qui défendit la religion à l'aide des lances du courage et de la persévérance et fixa l'éclat de l'islamisme, au tafsiru-boggel Ahmadu fils de Samba fils de Demba fils de Bûbu fils de Demba fils de Bûbu fils de Demba fils de Dyam-Lih fils du seigneur Hammet-Fadalla, dont la mère était Kumba-Siré-Kumba- Muttel-Maryam-Hammadi !

Et qu'il fasse miséricorde aussi aux autres membres de l'expédition dont il a été question! ainsi soit-il, ainsi soit- il!

(i) Le mscr. B porte ici -V.^1 j alors que partout ailleurs le nom du

père de Suleyman-Bâl est écrit /j.-" 'j. Il peut y avoir erreur de la part du

copiste, mais il se peut aussi que Râsin soit l'équivalent du mot arabe Ràchid lequel signifie « qui est dans la bonne voie ». L'un des imàms du

Foûta est appelé tantôt Râsin et tantôt Rasid (pour -*^ J) par le mscr.

A (voir PCàsin au glossaire).

(2) ^^j^^- Ce mot a passé en peul sous la forme garnie avec le sens de « noble ».

(3) Maymûna Aj «,*.*^ signifie en arabe « la bénie» ou « celle qui est pour ies siens un objet de bénédictions ».

CHRONIQUES DU FOÛTA SENEGALAIS é\3

Lorsque les gens du Fïita du Tôro furent revenus de ■celte expédition, ils convinrent de confier l'administration du pays au phare de la religion, à celui qui enleva la pous- sière de l'œil de l'Islam et fut son aide et son soutien, à celui qui étaya les murs de l'édifice musulman et répara ses fissures au moyen des mailles de la science, de l'intelli- gence, de la patience, de la continence, de la piété et de l'autorité, à celui qui était revêtu des plus amples vêtements de la noblesse, c'est-à-dire à 'Abdulkâder, fils du très illus- tre seigneur Hammadi fils du seigneur très pieux et plus brillant que l'or Alhadyi-Lamin fils du seigneur Mât fils du seigneur 'Abdulldhi fils du seigneur 'Â/i fils du seigneur Hammë-Dyûldo-Kan . Sa mère était Kudi fille du seigneur Bûbu fils du seigneur Rdsin fils du seigneur Hammë-Dyûldo-Kan. Il était d'une famille koreïchite apparentée aux Omeyyades et originaire de Damas. Il était l'année 1 141 après la fuite du meilleur des hommes (i) (que Dieu répandesur lui ses bénédictions et lui donne le sa- lut !), au village de Pàfa-Warnëu dans la province du Sdlum^ et il fut investi des fonctions d'imâm du territoire du Fûta du Tôro à la fin de la cinquantième année de son âge.

Les gens du Fûta du Tôro, s'étant mis d'accord sur son nom, le firent venir de 'Appe et le coiffèrent du turban (2) à Bâlddyi, parce qu'il y avait alors chez les gens de Bdlddyi puissance, prospérité et abondance de vivres. Il suivit dans le Fûta du Tôro la bonne route. Il entra en fonctions dans l'année 1 190 après la fuite du meilleur des hommes (3) (que Dieu répande sur lui ses bénédictions et lui accorde le salut !).

(i) Autrement dit «après l'hégire», c'est-à-dire en l'an 1728-1729 de notre ère.

(2) L'imposition du turban était le rite principal de la cérémonie d'inves- titure des imâms.

(3) C'est-à-dire en 1775-1776 de notre ère. Il avait alors en effet environ 5o années lunaires.

44 CHRONIQUES Dr FOUTA SENEGALAIS

Les rossignols chantèrent sa continence, sa piété, sa supé- riorité sur les rameaux des Noirs et Rouges (i), et Dieu cou- ronna sa tête : celui qui donne la foi à qui il veut et maintient qui il veut dans l'incrédulité est la plus belle des couronnes.

Lorsqu'il eut été reconnu pour chef par les membres du gouvernement et la population du territoire du Fûta du Tôro, il brandit l'étendard de la guerre sainte. Ce fut lui qui combattit les 'Uldd-A7indse7^ en faisant l'expédition de Falo-Kôli, par laquelle il brisa leur puissance, puis il com- mença à prélever sur eux un impôt de capitation consistant en beaux chevaux et en ustensiles ingénieux.

Il était dans la première décade de son règne lorsqu'il combattit 5u/e-Bû^w-Ga/sfn au village de Wâli, comme je l'ai raconté précédemment ; il fut vaincu par Sule-Bûbu une première fois, puis une deuxième et une troisième, mais Sule- Bûbu mourut après le quatrième combat, au cours duquel il avait été fait prison nier ainsi que 'A li-Mahinûdu-'A li-Ràsin. Ce fut lui encorequi combattit les représentantsdela dynastie de Tengella, à savoir Samba-Antu-Bubakar-Sawa-Làmu^ Dyàdy^e-Konko-Bûbu-Mûsd, ' Àjnel- Konko-Bûbu-Mûsd et Sàbôyi-Konko-Bùbu-Mûsd, près du village de Tulel, au nord du fleuve ; ils mirent deux fois l'imâm en déroute, puis l'imâm les mit en déroute la troisième fois et détrui- sit leur village, dans lequel se trouvait Dyàdye-Konko et 'Amel-Konko, avec plusieurs autres membres de la famille. Au cours du dernier combat moururent Sai7iba-Antu Bôkar-Sawa-Làmu et Sâbôyi-Konko; les familles de ce village (2) se dispersèrent à cette époque : Dyâdye-Konko

(i) C'est-à-dire « sa supériorité sur tous les hommes de race noire et de race rouge » ou bien « chantèrent sur les branches des arbres, tant dans le pays des Noirs que dans le pays des Rouges, sa continence, etc. ». Le mot « Rouges » désigne ici les Peuls proprement dits, par opposition aux nè- gres; la population du Foûta comprend en eflet des gens de couleur très foncée (notamment la plupart des Toucouleurs) et des gens de couleur plus ou moins claire ( en particulier les Peuls pasteurs).

(2) Il s'agit du vill,ij;e de Tulel.

CHRONIQUES DU FOÙTA SÉNÉGALAIS 45

et 'Amel-Konko s'enfuirent dans la province du Wàsulu et Bôkar-Sirè-Bûbu-MïLsd s'enfuit dans la province du Tôro; le grand-père de la mère de celui qui a rassemblé ces chro- niques, c'est-à-dire li-Siré-Bûbu-Mûsd (i), demeura au village de Wàli-Dyantane, ainsi que Samba- Suie- Bûbu- Gaysiri, plus connu sous le nom de Samba-Bôli.

Cependant Dyâdye-Konko et peut-être 'Ainel-Konko (2) se mirent à faire des incursions sur le territoire du Fûta du Tôro avec les armées des Bambara (3) ; lorsque cet état de choses fut devenu menaçant pour les gens du Fûia, ceux- ci se rencontrèrent avec 'Àli-Sirè-Bûbu-Mûsd au village de Padalal et convinrent de faire revenir Dyâdye-Konko et 'Âmel-Konko au Fûta du Tôro, afin de ramener la sécu- rité et d'éviter tout malheur aux gens du Fûta du Tôro. Quand ils y furent revenus, (l'imâmj rassembla tout ce qu'ils avaient en fait de vassaux à l'exception des hommes libres, qui se déclarèrent partisans de l'islamisme et, recon- naissant l'avantage incontestable qu'ils auraient à se con^ formera la loi établie à Wàli par l'imam 'Adulkâder, éli- rent Dyâdye-Konko à la dignité d'imâm de leur canton, qui fut délimité à cette époque. A la suite de cela, le Fûta connut constamment l'abondance et l'aisance de vivre, après avoir éprouvé des malheurs considérables.

Ensuite l'imâm 'Abdulkâder fit la guerre aux gens du

(i) Ce passage nous donne une indication sur la famille maternelle de l'auteur des CÀroni^Mes, famille qui n'est autre que celle des descendants de Koli. Siré-Abbâs avait, en effet, pour mère 'Ummahûni, fille de Valmdmi Suie de Padalal, qui fut almâmi ou imàm des Dénianké mais non du Foùta et qui était lui-même fils de 'Ali fils de Sirê-Ndyây fils du satigi Bùbu-MCtsa.

(2) 'Amel a été omis devant Konko dans B, par suite d'un oubli du copiste.

»/ 9/\\

(3) Le texte porte^^-" qu'on serait tenté de lire « les Berbères », mais

Siré-Abbâs a voulu désigner par ce mot, qu'il entend sans doute dans le sens de* Barbares », des peuplades païennes venant des pays mandingues : le terme de Bambara est appliqué communément, par les Musulmans du Sou- dan, à toutes sortes de peuplades païennes de civilisation inférieure, sans signification ethnique précise.

46 CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS

Bundu (i) et leur livra le combat de P^àdigd al le combai de Dàr-Lamin ; au cours de ce dernier, l'imâm 'A bdulkdder tua leur roi, rimâm Sègd. Le motif de cette guerre avait été le suivant : l'imâm Sègd était tombé sur le village des cheikhs du pays du Bundu et avait emmené prisonniers beaucoup de leurs enfants; alors les cheikhs étaient venus trouver l'imâm ' Abdulkàder pour se plaindre de cela et rimâm 'A bdulkdder avait envoyé à l'imâm Sègd une lettre par laquelle il lui ordonnait de rendre les enfants à leurs- familles; mais l'imâm Sègd s'y était refusé et c'est alors que l'imâm 'A bdulkdder avait marché contre lui. Il le rencontra près de Fddigd^ le battit, et le bloqua dans sa forteresse de Ddr-Lamin^ lui tuant beaucoup de monde au cours de cette expédition, dont quinze hommes de la posté- rité de Mdlik-Sih. Ensuite il se fit amener l'imâm Sègd et, lorsque celui-ci fut arrivé, il ordonna de le tuer. Beaucoup,, parmi les gens du Fiita, refusèrent d'exécuter cet ordre; seul consentit à l'exécuter 'Amar fils de Beld fils de Rdsin fils de Samba fils de Paie fils de Mbardn fils de Silman fils de 'Eli, lequel transmit l'ordre à l'un de ses jeunes ser- viteurs nommé Sule-Mûsd, de la tribu des Dydwbe de Mbumba, qui le tua d'un coup de fusil. Auprès d'eux se trouvait l'ingénieux savant Mokhtdr-iild- Bûna , qui dit : « Moi, j'étais dégoûté de la religion des Blancs (2) et je suis venu chez les Noirs pour m'instruire de leur religion et ai abandonné la doctrine des gens qui ne croient point. Mais-

(i) Le mot est écrit •A.J dans A et Al> dans B, sans autre vocalisation ; le contexte indique suffisamment qu'il s'agit du Bundu.

(2) jjUa-Jl (les Blancs). C'est le mot employé généralement au Sénégal pour désigner les Maures, qui se distinguent ainsi eux-mêmes des Noirs-

{ (jlJ>^*Jl). Je l'ai traduit partout par « Maures », sauf en ce passage, il

est en opposition évidente avec « Noirs ». Mokhtôr-uld-Bâna était un Maure, comme l'indique suffisamment le soin qu'a pris le chroniqueur de

faire suivre son nom de -Oj au lieu dcjj'ii qu'il emploie partout ailleurs.

CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS 47

VOUS, VOUS aviez convoqué cet homme sous la sauvegarde de l'Islam : qu'avez-vous donc à agir ainsi (i) Ils n'en- trèrent pas en discussion avec lui, car ce n'aurait pas été une bonne affaire, et Mokhiar-uld-Bûna retourna au pays des Maures.

Ces guerres avaient eu lieu pendant la première décade du règne de ' A bdulkàder. Après cela, les Noirs et les Maures se soumirent à ses ordres et à ses défenses, à l'exception des seuls Trdrdya. L'imam envoya à leur roi 'Aliyu-l-Kowrî une lettre dont voici la teneur : « De moi, le prince des croyants, 'A bdulkàder le Fûtanke, au roi des Trdrdya, 'Aliru-l-Kowri. Le but de cette lettre est de te faire savoir que l'Islam est ce qu'il y a de plus élevé, que rien ne s'élève au-dessus de lui et qu'il a démoli ce qui existait avant lui en fait d'incrédulité, hormis les conséquences. Je t'envoie ma présente lettre pour que tu nous fasses parvenir cinq bon chevaux tout sellés, afin que cela nous aide dans la guerre sainte que nous sommes sur le point d'entreprendre. Le salut pour celui qui suit la voie droite et le châtiment douloureux pour celui qui est dans l'erreur et tourne le dos à la vérité! Le salut soit sur nous et sur les saints serviteurs de Dieu, avec la miséricorde de Dieu et ses bénédictions! Écrit par la plume du cheikh Sirè fils du cheikh Hasan fils du cheikh Lamin au village de Hàyre et confié aux mains de Brâhîm fils d'Almaghfûr de la tribu des Lâgh- lâl. » Lorsque la lettre lui fut parvenue, Wliyu-l-Kowri la déchira. L'imâm 'A bdulkàder l'attaqua en l'an 1200 (2) et confia le commandement de cette expédition au commen- tateur Ahmadu fils du cheikh Hammàd fils du cheikh Ibrd fils du seigneur Mahmûdu fils de Biràn fils du

(i) Ce Maure voulait dire sans doute : « J'avais quitté les Blancs pour venir chez les Noirs parce que je croyais ceux-ci meilleurs que les Maures (voir la note 3, page suivante) ; cependant je vois que vous, Musulmans, avez convoqué un Musulman auprès de vous et que, sans attendre ses expli- cations, vous l'avez mis à mort : vous ne valez pas mieux que les Maures. »>

(2j Soit 1786-1787 de notre ère.

48 CHRONIQUES DU FOÛTA SENEGALAIS

seigneur 'Abdullâhi fils du seigneur Pâte lils de Siwd fils du seigneur Dyâsd, communément appelé le tafsîrii Ahmadu-Hammât' Kuro-Fàtwn-Atumàne-Hammet-Pâte- Birdn-Mûsd, etc.

Lorsque les troupes du Fûta furent arrivées à proximité, 'Aliyu-l-Kowri demanda aux savants de son pays la signi- fication du mot formé par les lettres représentant la date de l'ère de iMahomet que Dieu répande sur lui ses béné- dictions et lui accorde le salut! Ils lui dirent: « Année mauvaise. » Il leur dit : « Renversez l'ordre des lettres. » Ils dirent alors : « Année sanglante (i). » Il en tira un mauvais présage, et, en effet, les gens du Fûta le tuèrent et l'imâm s'empara de toutes les richesses qui se trouvaient dans les habitations des Trdrdya{2). Ensuite les Fûtanke retournèrent dans leur pays.

Après cela, il interdit aux Maures l'accès des eaux du fleuve, parce qu'ils avaient tué certains notables musul- mans et certains chefs de cette religion que professaient les gens du F'ûta (3), tels que le cheikh Sulermân-Bâl, qui avait disparu, le commentateur Ahmadu-Samba deDydba^ Mdlik-Tyayfal de Pete et Gannë de Dyûde-Dydbi : que Dieu fasse miséricorde à tous ceux qui furent tués mécham- ment et injustement !

Lorsque les Maures furent convaincus qu'il n'existait pas pour eux de sécurité de la part du Fûta du Tôro à

(1) Il s'agit de l'an 1200 de l'hégire: celte date, inscrite en lettres, comporte un t' (i.ooo) et un j (200), ce qui permet de former les mots tJi

(mal) ou ijfj (action de répandre le sang).

(2) La bataille dans laquelle périt 'Aliyu-l-Kowri fut livrée, d'après Siré- Abbâs, au lieu dit Tawani, dans le Wâlo rive droite, non loin de Dagana.

(3) Ainsi que plusieurs autres passages des Chroniques, celui-ci semble laisser entendre que les Maures, ou tout au moins les Maures guerriers ou Hassan, étaient considérés comme païens par les Musulmans du Foûta. En réalité, ces Maures étaient bien Musulmans, mais ils traitaient leurs coreli- gionnaires du Foûta et même les tribus maraboutiques de Mauritanie avec une grande désinvolture.

CHRONIQUES DU FOÙTA SÉNÉGALAIS 49

moins de paver tribut, ils se décidèrent à apporter à l'imâm en guise d'impôt de nombreux présents tels que d'excellents chevaux et, en outre de cela, des ustensiles que fabriquent les Maures, et il en fut ainsi jusqu'au temps de l'imàm Mohanvnadu fils de l'imâm Bircin, sans pour cela qu'il y ait eu nain-mise du Fûta sur leur pays.

En Tannée 12 lo (i), l'imâm que Dieu le très haut lui fasse miséricorde! poussa jusqu'à Bungôui, dans la pro- vince da Kadvôr, pour combattre le ciammel Hammadi- Mângône. Le motif de cette guerre fut le suivant. Après que l'imâm fut revenu du Tràrdya, il avait combattu 'Alivu-l-Kowri grâce au commentateur Ahmadu fils de Hammàd fils à'Ibrà fils de Mahmùdu fils de Biràn fils de 'Abdullâhi fils de Pâte fils de Sin>d fils de Dvdsd, auquel avait été confié le commandement de l'expédition, le commentateur Hamadi, fils d'Ibrâhïma, originaire du village de Mbaniu, s'était rendu sur l'ordre de l'imâm dans la province du Kadyôr pour en convertir les habitants à l'islamisme. Ceux-ci refusèrent d'obtempérer à ses exhor- tations et lui firent la guerre à cause de cela pendant long- temps, jusqu'à ce que, au cours de l'une des années de cette guerre, le cheikh et commentateur Hamadi-Ibrâhima fut tué par le dammel Hammadi-Mdhgône ; il fut tué par trahison, l'armée du dammel étant tombée sur lui et ses gens à l'improviste tandis qu'ils étaient en train de faire la prière rituelle et ayant ainsi mis à mort Hamadi-Ibrâhima. Avec ce commentateur se trouvaient tous les membres de sa famille, entre autres ses deux fils Mohammadu-Mudy^- tabd et Mohammadu-Halfi, nés chacun d'une mère diffé- rente; il avait en effet une femme originaire de Havre, de laquelle il avait eu son fils appelé Mohammadu-Mudy- tabd, père du savant professeur Ibrdhima-Mohammadu- Mudytabdj ainsi qu'une autre femme nommée Halfi, du

|i) Soit 1796-1797 de notre ère.

50 CHRONIQUES DU FOUTA SENEGALAIS

village de Fummi-Hdra chez les Dembube, dont il avait eu son fils appelé Mohammadu-Halfi. Le dammel lit prison- niers ses deux fils, puis il envoya aux gens de Hàyre et de Fummi-Hdra l'ordre de se rendre auprès des deux femmes du défunt précité afin de recueillir l'héritage de ce dernier demeuré en déshérence.

Lorsque les envoyés du dammel arrivèrent dans le terri- toire du Fûta du Tôro, le cheikh béni, le saint parfait et sagace, 'A mar-Sêydi- Yero-Buso-Demba-Ibràhïma-Nyokor telle était sa lignée du côté paternel partit en même temps que le cheikh ^ Abdullàhi fils du seigneur Màlik fils du seigneur Biràma, connu sous le nom de 'Abdullâhi- ^aysiri, et tous deux vinrent trouver l'imâm 'Abdulkâder pour lui demander de poursuivre le dammel qui avait tué le commentateur Hamadi-Ibràhima. C'est ainsi que l'imâm "'A bdulkdder fut amené à marcher contre le dammel, après que ces deux personnages lui eurent exposé tout au long leur affaire.

L'imâm partit pour assurer le triomphe de la religion, <et aussi en raison de l'amitié fraternelle qui existait entre lui et le défunt, lequel appartenait à des maisons nobles par sa mère et par son père : sa mère était Padel fille de Bûbu fils de Màlik fils de Rdsin fils de Bûbu fils de Hammay-'Ali.

L'imâm livra donc un combat au dammel. Beaucoup de notables du Fûta y furent tués. Cette expédition fut mar- quée par le manque de loyauté et la trahison de 'Ali- Dundu-Segeleet des gens du Bôseya qui l'accompagnaient: ils s'enfuirent pendant la nuit, mais le dammel les rattrapa sur la route parce qu'ils étaient épuisés par la faim, et, le lendemain, l'imâm fut fait prisonnier, après la mort du prince du Dyolof qui l'accompagnait.

Lorsque les gens du Fûta furent de retour, ils confièrent l'administration du pays à Hammdd fils du cheikh Lamin iils du cheikh Mdlik fils du seigneur Ilabi fils de Bukdr

CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS 5l

fils de Bràhima fils de Nyokor fils de Brâhima fils de Mûsd fils de Suleymàn, qui suivit le bon chemin pendant la courte durée de ses fonctions, lesquelles n'étaient que des fonctions purement administratives.

Quant au grand imâm 'Abdulkdder, il était au pouvoir des rebelles èiMbiil el il y resta durant un an, pendant lequel il fut l'objet de nombreuses marques de la faveur divine.

Parmi les miracles qu'il accomplit, que Dieu le très haut lui fasse miséricorde ! et dont mention a été faite dans les chroniques, on cite le suivant. Un jour, le dammel l'avait fait venir; ce prince demeurait en arrière du village, dans une habitation neuve de forme circulaire qu'on avait élevée pour lui. Lorsque l'imâm fut arrivé auprès du dammel, celui-ci, après avoir consulté sur l'opportunité de tuer l'imâm l'un des docteurs de son entourage, le nommé Môr-Ngumbo, dit à ce dernier : « Sers-moi d'interprète auprès de ce méchant qui m'a fait du mal. » Alors Môr- Ngumbo dit à l'imâm ' Abdulkàder : « Qu'as-tu apporté en ce pays ? » L'imâm lui dit : « Le triomphe delà religion. » Môr-Ngumbo lui dit: « Non, tu es venu avec le désir de t'emparer du pouvoir et des biens. » Puis il ajouta: « Si tu as besoin de demander quelque chose aux infidèles, tu ne dois pas le leur demander de cette manière. » (Ce Môr- Ngumbo en efïet n'était pas un infidèle). Aussitôt l'imâm le réprimanda comme on réprimande un chien en langue étrangère (i), et le cheikh Môr-Ngumbo se mit à pousser des aboiements comme un chien durant toute cette jour- née, puis il mourut la nuit suivante en aboyant comme un chien. A la suite de cela, le dammel refusa de se laisser regarder par l'imâm, craignant pour lui-même (2) ce qui

(i) C'est-à-dire en langue non arabe, dans la langue du pays.

(2) A porte K^ ^\* y J^ ^^ ^ *^i^> (3»- U-« <-~ûj ^Jc. ^y>-, ce

qui peut se traduire, dans A « par crainte de son mauvais œi! », et dans B « craignant pour lui-même ce qui était arrivé à son docteur » : le mot

52 CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS

était arrivé à son docteur, c'est-à-dire de se mettre à agir comme un chien et de mourir ensuite. Même il n'est pas inexact qu'il mit un cheval à la disposition de l'imâm et le renvoya dans le pays du Fûta du Tôro, après lui avoir donné des provisions de route.

L'imâm partit alors, marchant durant la nuit et se ca- chant pendant le jour, et atteignit enfin de nuit le village de Tyilon, où, dès le matin, il se rendit à la mosquée pour la prière. Lorsque le cheikh Hammdd-Lamin-Bdl, dont il a été parlé plus haut, l'aperçut, il lui rendit hommage dès le jour même, et après lui tous les notables du Fûta firent de même, à l'exception de ceux du village de 'Ôgo et d'un petit nombre de gens qui joignirent leur abstention à celle de ces derniers, disant qu'il n'y aurait d'autre imâm que le cheikh Sirè-Ahmadu-Sirë-Àli-'A bdullâhi-A Ihasan-Dow- ut-Eli-Fadalla. L'imâm 'A bdulkàder se résolut à leur faire la guerre et il consulta à ce sujet Hammâd fils de Lamin fils de Màlih fils de Habî fils de Bukàr fils d' Ibràhîma fils de Nyokor. Le cheikh Hammàd-Lamin lui dit : « Quel est l'argument que tu invoques pour agir ainsi ? Je m'ap- puie, dit l'imâm, sur la parole de Khalîl, dans le passage il a dit que, si des gens, se séparant de la communauté, désirent remplacer l'imâm et lui refusent réellement l'obéissance ou le renient, il devient équitable de leur faire la guerre. » Alors le cheikh Hammàd-Lamin lui dit : « Si tu es sûr d'être dans ton droit, il t'est permis de leur faire la guerre; sinon, non. » L'imâm lui ayant répondu qu'il n'était pas sûr de son bon droit, le cheikh lui dit : « Dans ce cas, il ne t'est pas permis de leur faire la guerre. » L'imâm alors renonça à ses projets.

Cependant l'imâm 'A bdulkàder avait envoyé son inten- dant, un tisserand appelé Mddi-Mbay, au village de 'Ôgo

j-mA a les deux significations de « mauvais œil » et de « âme, personne, individu ».

CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS 53

avec l'ordre de l'incendier avant son départ ; lorsque le tis- serand en question y fut arrivé, il prit une poignée d'her- bes sèches à la toiture de chaque maison, les mit en tas en dehors du village et y mit le feu. Puis le tisserand en ques- tion retourna auprès de l'imâm et lui fit connaître com- ment les choses s'étaient passées ; l'imâm alors appela sur lui la bénédiction de Dieu par une invocation parfaite et le combla d'éloges, le louant hautement de ce qu'il avait fait. Que Dieu fasse miséricorde à nos trois seigneurs (i) et rétribue leurs intentions par la plus complète des récom- penses : ainsi soit-il ! Et qu'il fasse de même pour les autres seigneurs des Musulmans !

Considérez, ô frères, l'équité que montra le savant pro- fesseur et sagace docteur Hammdd-Lamin, en faisant à l'imâm A bdulkdder cette réponse qui fit renoncer à ses projets ce grand imâm ^Abdulkdder dont les rois redou- taient alors la rigueur et la violence, malgré l'égale justice avec laquelle il traitait tous ses sujets, gens de qualité ou misérables (2).

Cependant l'imâm ' Abdulkàder fit transférer le tafsiru Ahmadu'Hammât-Kuro du village de Kanel à Mbumba^ village de son père, pour de nombreuses raisons. C'est à la suite de cela qu'il fut destitué de ses fonctions d'imam par le savant cheikh Moktàr fils de Kudédye fille de Saidu fils de Moktàr i]\s de Hammet fils de Mûsd {Z) fils de

(i)O^' UT^L- <\Sl /%*-j AjIc- ^*ù^ \>-X»^. Les * trois seigneurs »

dont il s'agit sont assurément l'imâm, son conseiller le cheikh Hammâd et enfin Sîdi K.halîl, sur une phrase duquel s'était appuyé l'imâm.

(2) ^^ ^Ut pjbUJl ^\^ JUl ^-...tJl <)1ac jljJ»-Vl ^J \i^\

^uv) \jj>^ ç; d/.i L-- b^ s^\ j^^\ -^ (-UM^ vU-i si^

dyiu-aJJ^ ^^ ^j^\ aJIac k^r-»^ j ^J \y^ i>* ^

(3) Dans cette ^^énéalogie, A a omis Saidu et B a omis Ilammet.

>4- CHRONIQUES DU KOUTA SENKGALAIS

Yûsufu, qui résidait au village de Dyonto; il habitait «n effet dans le village de sa mère, la nommée Kudédre de la tribu des Sillanâbe, mais son père demeurait au village de Sintyu-Bamambi; le nom qu'il avait reçu de son père était 'Abdul fils de Sirë fils de Lamin fils de 'Abdul fils de5irëfils de Lamin fils de Birdn (i). Il avait deux frères nés d'un précédent mariage de sa mère, Fdlil-Kudédye et Mahmûdu-Kudédye^ tous deux fils de Hammadi fils de Dydtara fils de Bûbu fils à!Aymadu fils de Yero fils de Yero les noms de ces deux derniers étant réunis dans l'ex- pression Yero-mo-Yero (2) fils de Birdn fils d'Ahmadu fils de Hammdd, et qui habitaient au village de Rindyaw. Le cheikh Mokidr-Kudédye rendit par devant les gens du Fûta du Tôro une décision déclarant l'imâm 'Abdulkdder incapable en droit d'exercer le pouvoir. Lui et ses frères s'ap- puyèrent pour prononcer la destitution de l'imâm sur ce qu'il avait achevé la So*' année de son âge, et sur ce qu'il avait été captif du dammel^ alléguant comme prétexte que l'âge de 80 ans et la condition de serfdesgensdu Kadyôrré- sultantde lacaptivité subie ne pouvaient convenir à un prince des croyants. Un certain nombre d'autres personnages leur prêtèrent leur appui en lacirconstance, notamment le fils du grand-oncle paternel de Fdlil-Hammadi-Dydtara et de Mahmûdu-Hammadi-Dydtara, lequel était alors elimdn de Rindyaw, c'est-à-dire Velimdn Saidu fils de Bûbu fils de Siré fils de Bûbu fils d'Aymadu fils de Yero fils de Yero fils de Birdn fils d'Ahmadu fils de Ilammdd. Avec eux marchait aussi Velimdn Hammàdi-Bukkari, ainsi que le tyérno 'Amar-Sabbè du village de 'AnyamSiivol, puis

(i) A donne simplement « Wbdul fils deSirê rils de Lamin (ils de Birân », mais Siré-Abbâs maintient la généalogie du mscr. B, telle qu'elle figure ici dans la traduction après rectification de l'auteur lui-même.

<2) Mo-Yero n'est pas un nom mais une expression composée qui signifie en peul « celui de Yero, celui qui est de Yeru » ; lorsque le père a le même nom que le fils, on intercale fréquemment mo entre les deux : Yero- mo-Yero équivaut donc à « Yero fils de Yero ».

CHRONIQUES DU FOÙTA SENEGALAIS 55"

*Âli fils de Dundu fils de Segele fils de Ndyobbo fils de- Mô<^i, puis le tvérno-môlle A hmadu-Moktar fils de Mah- mûdu fils de 'Àli fils de Râsin, puis Galo fils de Lumbal fils de Hamadi fils de Yetîi fils de Ga/o fils de Dyam fils de Belal fils de Pâ/e fils de Sayë fils de Dyômen fils de Daràm fils de Dyàdye du village de Bâlddyi, puis Yènë-Samba, puis Siré-'Àli-Sidi du village de Mbôlo- 'Âli-Sidi.

Quand apparut chez les notables personnages du i^ôsej)^a qui viennent d'être énumérés, dans le ciel de leurs cœurs^ le nuage de la résolution de trancher le fil des jours de l'imâm, une pluie d'ingéniosité se mita tomber qui leur fit rassembler leurs biens dans le but d'envoyer des pré- sents au prince des Bambara (i), afin de l'acheter pour qu'il leur prêtât son appui contre l'imâm, car il était diffi- cile d'obtenir l'appui de ce prince : ' Âli-Dundu fournit sept esclaves, Velimàn Sa'îdu-Bûbu-Sirè de Rindyaw sept es- claves, le tyèrno-môlle Ahmadu-Moktar cinq esclaves, Galo-Lumbal la valeur en bestiaux de trois esclaves et Yéné-Samba la valeur en bestiaux de trois esclaves. Puis ils remirent le tout aux mains de Sâdyo-Dundu-Gorel, le- quel accompagna l'armée des Bambara, qui était nombreuse et avait pour chef un homme appelé Bo'. Aux Bambara s'était jointe une troupe du Bundu, et toute cette armée passa par la région au sud du fleuve. Il vint aussi une armée du Kàso, dont le chef était Dembal a- fîàwa; lorsque Dembalâ-Hdwa fut arrivéà proximité (2), il envoya un mes- sage à l'imâm 'A bdulkâder pour l'interroger sur ce qui arri- verait en cette journée à l'homme qui aurait pris sa défense^ et l'imâm lui dit: « Je lui assure au nom de Dieu la liberté pour le moment de la prière de l'après-midi. » Alors Dem- bala-Hdwa passa dans le parti de l'imâm, ainsi qu'un

(i) Voir la note précédente relative à ce mot. (2) Du lieu se trouvait 'Abdulkûder.

56 CHBONIQLES DU FOÛTA SENEGALAIS

homme originaire des terres hautes du Kadyôr (i) et ap- pelé Ndyaga- Yeysa.

Cependant 'A li-Dundu et ceux qui marchaient avec lui dans cette expédition avaient envoyé 'Amar-Beld-Râsin- Samba-Pâte-Mbarân-Silman-'Eli auprès de l'imâm 'Ab- dulkâder, afin que l'imâm pensât n'avoir rien à craindre des gens du Fûta (2), car 'Amar-Beld-Râsi?i était un chef parmi les chefs qui se trouvaient au Fûta en ce temps-là. Lorsque l'armée fut arrivée à proximité de la plaine (3), ils envoyèrent dire à ' Amar-Beld-Râsin de revenir auprès d'eux, mais il s'y refusa absolument, disant que ce serait une honte, que, s'ils lui eussent envoyé cet ordre avant l'approche de l'armée, il serait certainement retourné au- près d'eux, mais qu'à cette heure il n'y retournerait pas dans ces conditions : c'est une preuve de son courage et de ce qu'il y avait en lui de noblesse de caractère, de di- gnité et de belles manières ; et il passa à partir de cet ins- tant au parti de l'imâm. Lui et Ndyaga-Yeysa, ainsi qu'un petit nombre d'autres personnages, disciples de l'imâm ou gens qui se complaisaient en sa société, voulurent prendre la défense de l'imâm 'Abdulkâder et demeurèrent avec lui ce jour-là jusqu'au moment de la prière de l'après-midi. Lorsque fut arrivée Fheure de cette prière, l'imâm 'Abdul- kàder les renvoya en disant : « Je vous abandonne, mais Dieu suffit à assurer votre bien. » Mais ils refusèrent de partir, voulant rester pendant toute la durée du combat. Alors il leur dit : « Si quelqu'un d'entre vous était tué au

(1) kS^.- "'^ "^ s"'s P*s certain de la traduction exacte de ce mot qui, en

arabe, signifie proprement « terrien » par opposition à (j$^p»i « marin » ou

« fluvial », à peu près comme en peul le mot dyèri s'oppose au mot wâlo (voir ces mots au glossaire). C'est d'après A que ce Ndyaga-Yeysa e'tait du Cayor.

(2) O^ cUl ^ i'Ul Jfc ^UVi j_^.

(3) Ou « en rase campagne » ; le texte porte »Ji.

CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS bj

cours de ce combat après la défense que je vous ai faite d'y prendre part, son salut éternel ne serait pas garanii; quant à moi, je remets mon sort à Dieu et Dieu veille avec clair- voyance sur ses serviteurs. » Alors 'Amar-Belâ (i), Ndyaga-Yeysa et Dembala-Hàwa s'en allèrent et retour- nèrent chez eux pour obéir à l'imâm Abdulkâder, après qu'il eut adressé à Dieu pour chacun d'eux la meilleure des prières. Et l'affaire fut ce qu'elle fut.

Comme il avait confiance en son bon droit, qui lui pa- raissait évident, l'imâm, avant le rassemblement de ces bandes contre lui, et dès que le Fûta du Tôro eut accepté la décision de Moktàr- Kudèdye, avait sollicité une décision suprême du savant professeur et sagace docteur Makam- Alumàne, qui était versé dans toutes les sciences, et il lui avait envoyé, ainsi qu'à son frère le pieux commentateur Abu-Atumâne, une lettre dont voici la teneur: « De moi, 'Abdulkâder fils d'AUiammàd fils d' A Ihàdyi-A lamin, aux deux pleines lunes qui éclairent les ténèbres. Que Dieu vienne à l'appui de celui qui recherche le mérite et le sa- voir, la crainte de Dieu et la voie du salut ! L'objet de cette lettre adressée à vous deux est de vous demander ce que vous diriez sur le cas d'un imâm à qui a été conféré le pouvoir royal, d'un prince possédant l'autorité que je pos- sède, l'ayant exercée dans la mesure je l'ai exercée moi- même et étant demeuré en fonctions le temps que j'y suis demeuré : passera-t-il sans encombre sur le sentier de l'autre vie (2) sans tomber dans les précipices oij conduit nécessairement un faux pas? ou bien non? Je retirerai de

(i| B porte ici ^r*^ ('Omar), mais ailleurs le nom de ce personnage est vocalisé ^j^ CAmar) ou bien ne porte pas de voyelles.

(2) Jai^^^l ^Jfc dans A et JpJ^^i ^ dans B ; les deux orthographes

se rencontrent. Le mot sirâf « sentier » désigne plus particulièrement le passage, aussi étroit qu'un cheveu et aussi tranchant que le fil de l'épée, qui doit mener les gens vertueux au paradis, tandis que les méchants ne pour- ront le franchir et tomberont dans l'enfer.

58 CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS

la réponse une double satisfaction (i). » Ils lui avaient adressé une réponse formulée en ces termes : « Ceci est notre réponse au savant gouverneur et juste imâm ^Abdul- kàder. Sache, ô seigneur des nomades et des sédentaires, que nous avons trouvé la question difficile à résoudre quanta son objet. Oh! que c'est difficile! que c'est diffi- cile ! » Alors il leur avait envoyé un deuxième message et ils lui avaient fait dire enfin que le prince dont il avait parlé obtiendrait de passer sans encombre sur le sentier de l'autre vie, mais à une condition, qui était que les gens de son pays répandissent le sang du prince en question sur le territoire même dont l'administration lui avait été con- fiée. C'est pour cela (2) que l'imâm 'Abdulkâder, guidé par Dieu, s'était retiré à l'écart dans les environs du village de Gûriki, quelques docteurs vinrent le trouver pour sol- liciter son enseignement et le consulter sur des points de droit.

Ensuite, et après avoir reçu cette réponse, l'imâm avait envoyé un message au cheikh béni Abdulkarimi le Dyà- wandOy du village de Séno-Pâlél, qui possédait amplement et à fond la science des lois apparentes et des vérités ca- chées et s'abreuvait purement aux sources qui font exaucer les prières, lui demandant de solliciter pour lui de Dieu le très haut que les gens du Fûta du Tôro répandissent son sang sur ce territoire même du Fûta qui était son pays et le leur. Le cheikh avait écrit pour lui un verset et lui avait ordonné de faire ses ablutions avec (3); puis il avait fait connaître à l'imâm 'Abdulkâder qu'il ne survivrait lui-

(i) Cette dernière phrase est obscure dans le texte qui porte : -^1

/»>_J j^l» w>u;>Ji ou ^Vjjf*"^ ^y^'^^- Peut-être y a-t-il une er- reur de copie ou des mots oubliés.

(2) Sans doute pour permettre à ses ennemis de venir plus facilement à bout de lui.

(3) Il faut entendre « avec l'eau ayant servi à laver la planchette sur la- quelle le verset avait été écrit ».

CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS 5^

même que « quinze » à la mort de l'imâm, sans indiquer s'il s'agissait de jours, de mois ou d'années. Et l'imâm 'Abdulkdder avait fait ses ablutions avec ce verset. Dieu exauça la prière du cheikh ''Abdulkarimi et l'imâm 'Abdul- kdder (que Dieu le très haut lui fasse miséricorde !) fut tué à la suite d'un violent combat, au village de Gùriki le jeudi 4 avril, soit le 7 du mois de safar, en l'année de grâce 122 1 (i) après la fuite de Mahomet (que Dieu répande sur lui ses bénédictions et lui accorde le salut!), à l'âge de 81 ans et après un règne de trente ans. Il ne fut mis en terre qu'au bout de treize jours et fut alors enseveli le mardi 17 avril (2), soit le jour de grâce du 20 de safar. Ensuite,, au bout d'un mois et sept jours, il fut exhumé en raison du caractère provisoire de cet ensevelissement et enterré près de avec de grands honneurs, ainsi que nous le savons par les écrits des docteurs, après avoir été enveloppé dans le vêtement et le turban d'un savant homme de la tribu des 'Uldd-Deymân appelé Dinulldhi-ed-Deymdni. Des gens qui assistaient à la cérémonie ont prétendu que la sueur coulait sur son visage, que tout son corps était souple et recouvert de moiteur, que, comme on avait trouvé repliés l'un de ses bras et l'une de ses jambes et qu'on les allon- geait, ils s'allongèrent sans difficulté, que ses cheveux étaient huilés et peignés et qu'une odeur de musc s'exhalait de son tombeau et parfumait les narines des assistants. Parmi ceux qui assistèrent à son premier enterrement, il y avait son ministre, le tyërno Siré-Bdba-Atumdne- 'Ali-Samba-Demba-Mbarân-Silman-'Eli, et quelques au-

(1) La date est donnée en lettres dans A et dans B : ^;^^l (1= i, ^_f = i.ooo, ci) = 20 et j = 200). C'était en l'an 1807 de notre ère.

(2) A priori, il semblerait qu'il y eût ici une erreur de calcul, et que, le 4 avril étant un jeudi, le 17 dût être un mercredi et non un mardi ; mais il convient de se rappeler que, chez les Musulmans, le jour commence, non pas à minuit, mais au coucher du soleil, en sorte que chacun de leurs quan- tièmes chevauche sur deux des nôtres.

60 CHRONIQUES DU FOÙTA SÉNÉGALAIS

très personnes. Quant à ceux qui l'ensevelirent la seconde fois, c'était 'A^nar fils de Seydu fils de Mahmûdu fils de Nalla fils de Samba fils de Pâte filsde'A/i fils de Hammé- Dyûldo-Kan, puis ce Dinullàhi dont il vient d'être parlé, puis Samba-Musa et de nombreuses personnes.

Entre sa mort et la mort du cheikh 'Abdulkarimi, il s'écoula quinze jours : que ces prodiges ne cessent de faire accorder de la considération aux rameaux de ces deux sou- ches! ainsi soit-il, ainsi soit-il, ainsi soit-il!

Après 'Abdulkàder, le pouvoir fut confié à l'imâm Moktdr ou 'Abdul (i) fils de Siré fils de Lamin fils de 'Abdul fils de Siré fils de Lamin fils de Biràn, de Sintyu-Bamambi^ plus connu sous le nom d'almdmi Moktdr-Kudèdye, sa mère étant Kudédye fille de Moktdr fils de Hammet fils de Mûsd, fils de Yûsufu, du village de Dyonto chez les Sillandbe. Il résidait lui-même au village de Dyonto. Son nom de clan était Talla.

Il exerça les fonctions d'imâm pendant l'intervalle que remplirent les événements énumérés plus haut, à partir de la déposition de l'imâm 'Abdulkdder; cet inter- valle fut d'une année entière. C'est lui qui était le chef de ces troupes rassemblées [pour âXXaquQr 'A bdulkdder\. D'après ce que racontent ceux qui se complaisent à déchi- rer à belles dents la réputation des seigneurs illustres, l'imâm Moktdr aurait adressé des éloges à Bo\ lorsque ces troupes revenaient de tuer l'imâm 'Abdulkdder, en raison de l'aide que leur avait prêtée Bo' pour tuera l'improviste

(i) Ce personnage avait reçu de sa mère le nom de Moktdr et de son père le nom de 'Abdul ; voir plus haut la note relative à la généalogie de cet imâm, qui varie selon les manuscrits et selon les passages du même manuscrit : celle donnée ici comme plus haut est telle que l'a rectifiée Siré-Abbàs.

CHRONIQUES DU FOÛTA SENEGALAIS 6l

l'imâm 'AMwMâ^er, et c'aurait été le motif pour lequel les gens se détachèrent de lui; mais, à mon avis, c'est un argument inventé par les seigneurs de la noblesse et les doctes censeurs, car une telle action ne s'accorderait pas avec la droiture de ce seigneur béni qui était parvenu au plus haut degré des sciences : ayez une opinion meilleure et ne posez pas de questions sur cet homme qu'ornaient toutes les vertus et qui Dieu le très haut lui fasse misé- ricorde ! avait étudié les sept parties du livre saint sans jamais se servir du Coran comme d'un oreiller.

La durée de son intérim pendant l'interrègne précité fut d'une année entière. Que Dieu le très haut lui fasse misé- ricorde : ainsi soit-il !

Après lui régna le savant professeur, l'administrateur intègre et gouverneur équitable, l'imâm Hammàd fils du seigneur Lamin fils du seigneur Mâlik fils du seigneur Habi fils du seigneur Bukdr^Xs d'Ibràhîma fils du seigneur Nyokor fils du seigneur Diràhîma fils du seigneur Mûsd fils du seigneur Suleyinàn, du village de Bôde. Sa mère était la noble dame KumbaûWe delà noble da.me Sajîyyata fille (i) du seigneur //a/nmârf-Fâ/, du village de Pir. Son nom de clan était Bâl.

Il se fit remarquer par sa continence, sa piété et le flotte- ment des étendards de son équité au-dessus des rameaux des Noirs et des Rouges (2). En outre, il possédait à fond les sciences de la loi, du droit, de la grammaire, de la logique, de la rhétorique et de l'éloquence; il coiffait le bonnet réservé à ceux qui pratiquent la croyance au Dieu unique, la dévotion mystique, la divination, l'astronomie,

(i) B porte ici (fils) au lieu de »J1*^ (fille) : l'erreur de copie est évi-

dente^ {2) C'est-à-dire des Toucouieurs et des Peuls.

62 CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS

l'architecture, la géométrie et l'ensemble complet des con- naissances. Il suivit la -bonne voie durant son règne. Au sujet de son équité manifeste et de l'excellence de sa foi religieuse, on peut citer ce trait : comme l'imâm 'Abdulkâ- der lui avait ordonné de quitter le territoire du Fûta du Tôro et qu'il marchait en compagnie d'un aïeul du compi- lateur de ces chroniques, c'est-à-dire dusatigi Yero fils du satigi Siré fils du satigi Suie (i), ils arrivèrent tous les deux à un endroit stérile et caillouteux situé entre Dûmga- Alfà et Dulumàdyi, et le pied de l'imâm Hammdd trébu- cha contre une pierre ; il en sortit du sang et le satigi s'écria : « Que Dieu blesse les deux pieds de celui qui est cause de la blessure de cet imâm ! » Alors l'imâm Hammdd lui dit: « Il me faut te citer en justice, car tu as invoqué Dieu contre le prince des croyants en demandant que celui-ci fût blessé. » Ils allèrent donc en justice et son compagnon précité fut condamné. Ensuite Hammdd racheta la con- damnation du satigi au moyen du coursier qu'il montait lui-même et son compagnon lui dit : « Je prends Dieu à témoin que je mourrai ton ami, et je suis bien certain que celui qui suivra ta trace arrivera indubitablement au para- dis. » L'imâm Hammdd ayant envoyé ce coursier au prince des croyants 'Abdulkdder pour qu'il le versât au trésor public, l'imâm ' Abdulkdder le versa au trésor et envoya à Hammdd un autre coursier en échange ; mais ce dernier retourna le coursier à l'imâm 'Abdulkdder une première, une deuxième et une troisième fois.

Cela avait eu lieu à l'époque l'imâm 'Abdulkdder reve- nait de la captivité qu'il avait subie à BungôiXi. Il trouva les gens très occupés au sujet de Hammdd: Birdn, \efarba de Dyowol, l'avait enfermé et cousu dans des peaux de

(i) Le satigi-Sule que l'auteur cite ici comme étant son ancêtre était un satigi-Mbôlo et non pas un satigi du Foiita de la dynastie de Koli. Siré-Ab- bâs se rattache néanmoins à cette dynastie par son père comme par sa mère (voir au début la note généalogique le concernant).

CHRONIQUES DU FOÛTA SENEGALAIS 63

I

bœufs, l'avait amené en pirogue sur le fleuve et l'avait jeté dedans pendant la nuit; mais les peaux s'étaient déchi- rées par la grâce de Dieu le très haut et on l'avait trouvé dans l'oratoire du village à l'aube qui termina cette môme nuit. Auparavant, il avait été enfermé à deux reprises dans deux cases et il était resté dans chacune des deux cases huit jours sans manger ni boire ; les deux cases précitées étaient pleines de fiente de mouton à laquelle on avait mis le feu et qu'on avait laissé brûler jusqu'à ce que la fumée se fût dissipée, et, bien que cet imâm fut demeuré huit jours [dans chacune de ces cases enfumées], il n'en avait éprouvé aucun dommage. C'est au village de Dyowol et au village de Tyilon qu'on lui avait fait subir ces traitements.

Souvent il montait une ânesse pendant une courte dis- tance, puis il en descendait et lui adressait la parole en lui disant : « Pardon, pardon, ô ânesse ! » Jamais un mendiant ni un solliciteur ne s'arrêta devant sa porte sans recevoir de lui plus qu'il n'avait espéré recevoir. Ses prodiges, sa continence, sa piété, son équité, sa bonté et sa douceur atteignirent un degré de célébrité considérable. Mais en voilà assez sur ce sujet.

La durée de son règne fut de trois ans et il mourut que la miséricorde de Dieu le très haut lui soit acquise ! en l'année 1226 (i) après la fuite de Mahomet (que Dieu répande sur lui ses bénédictions et lui donne le salut!).

Ensuite vint le professeur instruit, le pieux savant, l'administrateur intègre, l'imâm Yûsufu fils du seigneur Sirè fils du seigneur Demba fils du seigneur Bûbu fils du seigneur Demba fils du seigneur Bûbu fils du seigneur Demba fils du seigneur Djv'am-LzTi (2), du village de Dydba-

(1) 1810 de notre ère.

{2) Alors que A fait du deuxième Demba le fils de Dyam-Lih, B intercale

<)4 CHRONIQUES DU FOUTA SENEGALAIS

Dekle. Sa mère était la noble dame Ragiraiu fille du sei- gneur Sa'idu, du village de Sédii^ dans la province du Biindu. Il s'était rendu chez les gens de Dôde et ensuite était allé visiter le tombeau (i) de l'imâm Hammàd fils du seigneur Lamin, dont il vient d'être question, car ce dernier avait été son professeur. C'est après qu'il eût accompli ces deux voyages que les gens du Fûta du Tdro désignèrent Yitsufu comme successeur de Hammàd. Sa résidence durant son règne fut le village bien connu de Dydba.

Il suivit au pouvoir le bon chemin et les rossignols chan- tèrent sa libéralité, sa continence et sa piété sur les branches des arbres du Soudan, tandis que les étendards de ses pro- diges flottèrent de l'orienta l'occident de ce pays. Entre autres prodiges le concernant que la miséricorde de Dieu le très haut s'étende sur lui ! de la fumée s'élevait des ongles de ses mains comme d'un fusil au moment le coup est tiré. Il possédait en effet jusque dans ses derniers replis la connaissance des sciences et en particulier de celle des choses cachées. Voici l'un des traits de sa libéralité que nous a transmis la tradition : il fit cadeau à la fois au même individu du cordon de sa culotte, de son bonnet et de ses sandales; des faits analogues à celui-là se répétèrent souvent de sa part.

Il ne demeura personne dans le Fûta du Tôro qui ne lui fût soumis, à l'exception du cheikh Ahmadu fils du seigneur Bôkar fils du seigneur Atumàne (2) fils du sei- gneur Samba fils du seigneur Demba fils du seigneur Mba- rân fils du seigneur S/7man fils du seigneur '£'/i,générale-

cntre les deux un deuxième Biibu et un troisième Demba. Siré-Abbâs main- tient la leçon du mscr. B, que nous avons conservée.

(i) Ce tombeau se trouve à Feto-Bôue, dans une région du Ferlo faisant partie du Damga. i'»5i</», étant à Bôde (cercle de Podor), entendit parler des chances qu'il avait d'être nommé imâm et il tint à aller visiter le tombeau de son ancien maître pour s'attirer sa bénédiction.

(2) B porte « BOkar fils du seigneur fils d'Alunulne » ijtw i *^-X-w»Jl (V^ y.

CHRONIQUES DU FOÛTA SENEGALAIS 65

ment appelé le tyérnO'Tillere Ahmadu-Delo, etdont la mère était la noble dame Kadi fille du seigneur Hammâd fils du seigneur Ibrd fils du seigneur Mahmûdu fils du seigneur Birân fils du seigneur 'Abdulldhi fils du seigneur Pâte fils du seigneur Siwd fils du seigneur Dydsd. L'imam Yûsufu se battit avec ce personnage en un endroit appelé Kofel; ensuite ils se battirent en un endroit appelé Bdwngel ; ensuite ils se battirent au village de Ngidyilon, et voici comment se passa le combat de Ngidyilon: l'imâm Yû- sufu se précipita sur le cheikh Ahmadu et, quand ce der- nier eût vu le nombre des guerriers qui composaient l'ar- mée de l'imâm, il monta sur son coursier, se jeta dans le fleuve après avoir dit qu'il est permis d'échapper à un genre de mort pour en chercher un autre, et se noya: que Dieu le très-haut lui fasse miséricorde !

Parmi les expéditions guerrières de cet imâm, il y eut la guerre de Mudëri entre lui et les gens du Gadydga, qui fut motivée par ce fait que le noyé s'approvisionnait de ce côté avant sa mort et que les gens du Gadyâga avaient embrassé son parti. Après que ce dernier eût péri noyé, l'imâm Yûsufu se jeta sur eux et pilla leur pays.

Il demeura cette fois (i) quatre ans au pouvoir, puis, fut déposé en raison de son manque d'esprit conciliant vis- à-vis du tyérno Deiva fils de Velimdn Ahmadu-Moktdr-

de Pete (2).

*

Il eut comme successeur le savant professeur et sagace- jurisconsulte, l'imâm Abûbakari fils de Lamin fils de Md- lik fils de Habi fils de Bukdr fils du seigneur Birdhima

Ou bien un nom a été oublié entre -V**Jl (seigneur) et A> (fils), ou bien,, ce qui est plus probable, le mot ^j> (fils) doit être supprimé après -*— Jl.

(i) YOsu/u régna en effet à plusieurs reprises, comme on le verra parla suite.

(2) !Sj^^ ! ^^ qualificatif ethnique est ajouté au nom de Velimân Ahmadu-Moktâr, pour le distinguer de son homonyme le lyérno-môlle.

5

66 CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS

fils du seigneur Nyokor fils du seigneur Biràhïma fils du seigneur Mûsà fils du seigneur Suleymân, du village de Bdde. Il était du côté paternel le frère de l'imâm Hammàd- Lamin-Bàl. Quant à sa mère, c'était la noble dame Binta fille de la noble dame Dyandu fille du seigneur Alfàhimu; elle appartenait à une famille de Busôbe de la tribu des Mbâlbe et résidait au village de Golléra. Il suivit au pou- voir la bonne route. Auparavant, il avait fait la guerre aux gens du Dyolof^ qui l'avaient mis en déroute; c'est au cours de cette expédition que mourut l'un des ancêtres du narrateur(i) nommé Samba fils de Siré fils du satigi Suie, ainsi que plusieurs personnages du Fûta du Tôro. Il était savant en toute science. Il demeura trois ans au pouvoir, puis fut déposé : que Dieu le très-haut lui fasse miséricorde !

Puis le pouvoir fut conféré de nouveau à l'imâm Yûsufu, qui demeura un an au pouvoir et fut déposé. En un mot, l'imâm Yûsufu exerça les fonctions d'imâm du Fûta à de multiples reprises : après que, au moment de sa [première] déposition, ces fonctions eurent été confiées à l'imâm Abû- bakari frère de Hammâd (2) et fils de Lamin, il régna encore deux fois sans compter son règne précédent ; puis il régna encore trois fois dans la suite (3).

Ensuite arriva au pouvoir le savant professeur et sagace

(i) Ce Samba était en réalité le grand-oncle de Siré-Abbâs, étant le frère de son grand-père Yéro (voir la note généalogique).

(2) Le texte du mscr. A donne « AbCibakari fils de Hammâd fils de Lamin », ce qui constitue une erreur évidente : il suffit, pour s'en con- vaincre, de se reporter au paragraphe précédent.

(3) Tout ce passage n'est pas clair dans le texte de A, mais il le devient lorsqu'on le compare à d'autres passages de B, qui, par contre, ne renferme pas celui-ci. Le mscr. A semble, au moins par ce qui précède, ne faire régner Yûsufu que six fois, alors qu'il régna en réalité au moins neuf fois.

CHRONIQUES DU FOÛTA SENEGALAIS 67

jurisconsulte, l'imâm Siré fils du seigneur Ahmadu fils du seigneur Siré fils du seigneur 'Àli fils du seigneur 'Abdul- lâhi fils ô-'Alhasan fils du seigneur Dowut fils du seigneur ''Eli fils du seigneur Fadalla. Sa mère était la noble dame Diko fille de Gorgo fille (i) de Valivàli Hammë fils de Ndyobbo. Le père de Diko était le seigneur Siré fils du seigneur Màlik fils du seigneur 'Abdul fils du seigneur Samba fils du seigneur Yero fils du seigneur Dirân fils <iu seigneur Mûsd. Le père d' Ahmadu- Siré résidait au village de 'Ôgo et sa mère au village de 'Anyam-Wuro- Sirè. Il demeura un an au pouvoir et fut déposé : que Dieu le très-haut lui fasse miséricorde !

Ensuite arriva de nouveau au pouvoir l'imâm Yûsufu- Siré, qui fut déposé au bout de deux ans.

Ensuite régna le savant professeur et sagace juriscon- sulte, l'imâm 'Àli fils du seigneur tyèrno Ibràhima (2) fils du seigneur Hammâd fils du seigneur Ibràhima fils du seigneur Mahmûdu fils du seigneur Biràn fils du seigneur 'Abdullâhi fils du seigneur Pâte fils du seigneur Siwd fils du seigneur Wàli fils du seigneur Khàli fils du seigneur Yahyd fils du seigneur Dyâbiri fils du seigneur Makka fils du seigneur N dyubayru fils du seigneur Silman fils du seigneur Limâm fils du seigneur 'Amar fils du seigneur Dyâbé fils du seigneur Kàyd fils du seigneur Makka. Il résidait au village de Mbumba. Sa mère était la noble dame

(i) Le mot liwJ manque dans le texte et on pourrait à la rigueur lui

substituer /j> (fils); mais la comparaison entre A et B montre que Gorgo

était la mère de Diko et non son père. (2) Ibrà dans A (voir ce mot au glossaire).

68 CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS

Ra^iyatu (i) fille du seigneur Atumâne fils du seigneur 'Ali fils du seigneur Samba fils du seigneur Demba fils du seigneur Mbaràn fils du seigneur Silman fils du seigneur '£■//, du village de Ngidyilon (2). Il demeura un an au pouvoir et fut déposé.

Après lui, ce fut l'imâm Yûsufu-Siré qui monta de nou- veau au pouvoir. Il eut à ce sujet des contestations avec l'imâm Bôkar-Lamin-Bâl (3), qui avait régné auparavant. L'imâm Bôkar fut soutenu par le savant professeur, le sagace jurisconsulte, le vaillant guerrier toujours le premier à l'attaque, le lion valeureux Birân fils du cheikh Ibrâ- hima (4) fils du seigneur Hammàd fils d' Ibràhîma fils du seigneur M ahmildu fils du seigneur Birân fils du seigneur 'Abdullàhi fils du seigneur Pâte fils du seigneur Siwd fils du seigneur Dyâsd fils du seigneur Wâli fils du seigneur Khdli fils du seigneur Yahyd^ elc. L'imâm leur livra ba- taille au nord du village de Dyâba, près d'une mare appelée Ngddo.ei ils vainquirent l'imâm Yûsufu ce jour-là. Ensuite l'imâm Yûsufu tomba sur eux près d'une rivière appelée Gûnagol et, cette fois, ce fut l'imâm Yûsufu qui les vain- quit; cette rivière est située entre Dyongi et Mbumba. Ahmadu-Âli-Seydi, qui accompagnait l'imâm Bôkar- Lamin-Bàl^ mourut ce jour-là, et les yeux des Yirldbe du Dyéri et de beaucoup des notables du Fûta versèrent sur lui des larmes abondantes. Ensuite l'imâm Yûsufu leur livra bataille au nord du village de Hâyre, en un endroit appelé Newre, qui est un terrain de cultures maraîchères appartenant aux gens de Hâyre ;Vimàm Yûsufu les y vain-

(1) Raki dans A (voir au glossaire).

(2) Autre généalogie de Ragiyatu (par les femmes), donnée par A : fille é Atumâne fils de 'Àli fils de Siru fille de Penda fille de Birûhïma fils de Nyokor.

(3) Le même qui est dénommé plus ha\x\. Abùbakari.

(4) Ou tyêrno Ibrâhlma.

CHRONIQUES DU FOÛTA SENEGALAIS 69

quit. Auparavant, l'imâm Yûsufu les avait assiégés dans le village de Bôde. Puis les Maures firent prisonnier l'imâm Abûbakari-Lamin-Bàl, et les Maures précités, c'est-à-dire les Tuwàbîr, décidèrent de le tuer, mais l'imâm Yûsufu s'y opposa et le fit remettre en liberté.

Parmi les expéditions de l'imâm Yûsufu, il faut citer aussi la guerre de Numd, appelée encore « deuxième expé- dition du Gûnagol », qu'il fit au célèbre mahdiyu (i); l'imâm Yûsufu le vainquit et dispersa son armée.

Je ne crains pas de réparer l'oubli que j'ai fait de l'une de ses guerres précédentes, celle qui eut lieu entre lui et le tyérno-Tillere Ahmadu-Delo, c'est-à-dire l'expédition de Nyànyâre.

L'imâm Yûsufu demeura un an au pouvoir cette fois-là, puis il fut déposé.

Ensuite arriva au pouvoir le savant professeur et sagace jurisconsulte auquel ne pouvait disputer le premier prix dans l'arène de l'équité et du savoir, le magistrat qui ceignit le glaive de la justice durant le règne de l'imâm ''Abdulkd- der, le règne de l'imâm Hammdd-Lamin-Bâl et l'un des règnes de l'imâm Yûsufu, car il fut supérieur à ce magistrat par la solidité du savoir et, grâce à un effet de la puissance divine, les montagnes les plus élevées ne pouvaient riva- liser avec lui en hauteur. Il s'agit de l'imâm Siré fils du seigneur Hasan fils du seigneur Lamin fils du seigneur 'Ali fils du seigneur Seydi fils de 'Ali fils de Seydi, du village de Hdyre. Sa mère était la noble dame Takko fille de la noble dame Hadi fille de Pâte, des Busôbe de Col- lera. Il suivit au pouvoir la bonne route et y demeura un an, puis fut déposé.

(1) Ou mahdi, père d'Ahmadu-Seyku qui fut tué à Koki. C'est le fameux « mahdi de Podor » (voir A. Le Chatelier, l'Islam en A. O.P., p. 147). Sa famille habite dans le Tôro au village dit 'Uro-Mahdiyu (village du mahdi).

•JO CHRONIQUES DU FOUTA SENEGALAIS

Ensuite rimâm Yusufu monta de nouveau au pouvoir et y demeura un an, puis fut déposé.

Il fut remplacé par le savant professeur et sagace juris- consulte, l'imâm Bdkar fils du seigneur Mddibbo fils du seigneur Suleymân fils du seigneur Dàuda fils du seigneur Samba fils du seigneur Pâte fils du seigneur 'Àli fils du seigneur Yero fils du seigneur Hammè-Dyûldo-Kan, du village de Ddndu. Sa mère était la noble dame 'Aysata (i) fille du seigneur Sirè le Dyambalanke^ de la province du Bundu. Il suivit au pouvoir la bonne route et y demeura la moitié d'une année, puis il fut déposé (2).

Ensuite l'imâm Yusufu arriva de nouveau au pouvoir et y demeura un an et demi, puis fut déposé.

Il fut remplacé par le savant professeur et sagace juris- consulte, l'imâm Ibrd (3) fils du seigneur Dyàtara fils du seigneur Atumdne fils du seigneur Mât, du village de Gâwol. Sa mère était la noble dame Hawo-Lih fille de Maryam fille du seigneur Bûbu fils du seigneur Sirê fils du seigneur ^Ali fils du seigneur 'Abdullâhi fils du seigneur

(i) Le mscr. A avait laissé en blanc le nom de la mère de cet imàm et le mscr. B portait Kumba : Siré-Abbâs a rectifié ce nom en 'Aysata.

(2) A partir d'ici la concordance cesse d'exister entre A et B relativement à l'ordre dans lequel se sont succédé les diflerents imâms du Foûta. L'ordre adopté ici est celui indiqué verbalement par Siré-Abbàs, comme étant le seul correct ; c'est celui donné par B.

(3) Ou Ibrûhima.

CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS 7I

Alhasan fils du seigneur Dowut, du village de 'Ôgo. Il sui- vit au pouvoir la bonne route et y demeura un an, puis fut déposé.

Ensuite l'imâm Yusufu monta de nouveau au pouvoir^ y demeura un an et fut déposé.

Il fut remplacé par le savant professeur et sagace juris- consulte, l'imâm Mohammadu fils du tafsîru Mahmûdu fils du seigneur Sirè fils du seigneur Baba fils du seigneur Atumâne (i) fils du seigneur 'Ali (2) fils du seigneur Samba fils de Demba fils de Mbarân fils de Silman fils de 'Eli, du village de Ngidyilon, dont la mère était Ka- dyata fille d'Aminata fille de Konko fils de Bûbu-Mûsd fils de Samba-Bôyi fils de Bôkar fils de Sawa-Lâmu [fils de] Yero fils de Koli,de la tribu des Déniyankôbe. Il suivit au pouvoir le bon chemin et y demeura un an et demi, puis fut déposé.

Après lui, l'imâm Yûsufu revint de nouveau au pouvoir et y demeura un an et demi, puis fut déposé.

Ensuite régna le savant professeur et sagace juriscon- sulte, l'imâm Biràn fils du iyérno Ibrd fils de Hammàd fils d'Ibrd fils de Mahmûdu fils de Biràn fils de 'Abdul-

(i) Ce nom est orthographié tantôt jUJ"! {Atumâne) et tantôt jU^

('Atumâne) ; ce sont deux variantes d'une déformation du nom arabe jUJÎft- (^Otsmân ou, selon la prononciation ordinaire du Foûta, 'Usmâna). (2) Ce 'Â/«, qui a été omis dans B, avait pour mère Sfru.

72 CHRONIQUES DU FOÛTA SENEGALAIS I

làhi fils de Pâte fils de Siwd fils de Dyàsd fils de Wàli fils de Khâli fils de Yahyà fils de Dyàbiri fils de Makka fils de Ndyubayru fils de Silman fils de Limâm fils de 'Amar fils de Dyàbè fils de Kàyd fils de Makka, du village de Mbumba, dont la mère était Fâtumata fille de Ràsin fils de Samba fils de Daramân fils de Lamin,de la même tribu que son père et d'une famille 5âs. Il suivit au pouvoir le bon chemin et y demeura un an, puis fut déposé.

Après lui régna le savant professeur et sagace juriscon- sulte, l'imam Mahmûdu fils de Siré fils de Màlik fils de 'Abdul fils de Samba fils de Yero fils de Birân fils de Mûsd^du village de 'Anyam- Wuro-Sirë, dont la mère était Kumba-Nèy fille de Gaku fils de Nyakalé {i), originaire de la tribu des Sèybôbe provenant de la survivance des descendants de ce Manna dont l'histoire a été contée plus haut. Il suivit au pouvoir le bon chemin et y demeura la moitié d'une année (2), puis fut déposé.

Ensuite régna le savant professeur et sagace juriscon- sulte, l'imam Ahmadu fils de Bûba-Lih fils du tyêrno Ahmadu fils de Sirê fils de 'Â/i fils de ' Abdullâhi fils d'Alhasan fils de Dowut fils de 'Eli fils de Fadlalla, du village de 'Ôgo, dont la mère était Dyenaba fille de Yelimdn Yero fils de Hammé fils de Bûbu fils de Hundu^ du village de Mbôya. Il suivit au pouvoir le bon chemin et y demeura la moitié d'une année, puis fut déposé.

(i) Kumba-Nèy était appelée ainsi (Koumba des vaches) parce qu'elle avait beaucoup de vaches ou parce qu'elle les aimait. Sa grand'mère Nyakalé descendait de Koli par Muse-Bôse, dont la famille fournissait le lùmdo du Bôsséya {Nyakalé fille de Gaku fils de Nyakalé fille de Delo fils de Yettum fils de Màse-Bôse fils de Koli) ; cette même Nyakalé descendait aussi de Manna.

(2) Ou, selon Â, une année entière.

CHRONIQUES DU KOÛTA SÉNÉGALAIS jZ

Il fut remplacé par l'imâm Sirè fils d'Ahmadu fils de Sirè fils de 'Ali fils de 'Abdullâhi fils dCAlhasan fils de Dowut fils de 'Eli fils deFadalla, du village de 'Ôgo, dont la mère était Diko fille de Gorgo fille de Valwâli Hammè fils de Ndyobbo, du village de Dyamd-Ahvàli. Il suivit au pouvoir la bonne route et y demeura la moitié d'une année, puis fut déposé (i).

Ensuite l'imâm Yûsufu monta encore au pouvoir et, après la moitié d'une année, fut déposé, chassé vers le Ferlo et remplacé pour la seconde fois par l'imâm Birân, qui demeura au pouvoir sept mois (2) durant lesquels il fut malade et mourut au village de Hôre-Fônde^ il fut enterré. Que Dieu lui fasse miséricorde, ainsi qu'à tous les imâms qui l'ont précédé et dont la liste se termine ici (3) !

(1) Cet imâm régnait pour la seconde fois.

(2) D'après A, il régna cinq mois au plus.

(3) La liste donnée par A ne concorde pas avec celle de B, à partir de l'imâm 5»rê-/yasan ; chacun des deux manuscrits donne quatorze régnes, mais les donne dans un ordre différent ; de plus, B porte Siré-Ahmadu à la place d'un dixième régne de Yûsuf. D'une façon générale, le mscr. A semble plus complet en ce qui concerne les événements modernes, mais le manuscrit B paraît plus soigneux de l'exactitude. C'est à ce dernier que Siré-'Abbâs lui-même demande que l'on se réfère en cas de divergence, à moins d'indication contraire, et c'est ce qui a été fait dans la traduction. Voici en regard les deux listes d'imâms à partir de Sirè-Hasan jusqu'au deuxième règne de Birân-Ibrâ. Ni l'une ni l'autre ne concorde, du reste, avec la liste générale donnée par A à la fin du récit.

A B

Sirê-Hasan. Siré-Hasan.

Yûsufu [b' fois). Yûsuf u (5' fois).

Ibrâhima-Dyâtara. Abûbakari-Môdibbo.

Yûsufu (6' fois). Yûsufu {6' fois).

Ahmadu-Bâba-Lih. Ibrâhima-Dyâtara.

Yûsufu (y fois). Yûsufu (7' fois).

Abûbakari-Môdibbo. Mohammadu-Mahmûdu.

Yûsufu (8' fois). Yûsufu {8' fois)

Mohammadu-Mahmûdu. Birân-Ibrâ.

Yûsufu (g' fois). Mahmûdu Sirè.

Birân-Ibrâ. Ahmadu-Bâba-Lih.

Yûsufu ( / 0* fois). Siré-Ahmadu (2* fois).

Mahmûdu-Sirê. Yûsufu (9* fois).

Birân-Ibrâ (2' fois). Birân-Ibrâ (2' fois).

74 CHRONIQUES DU FOÛTA SENEGALAIS

Après la mort de l'imâm Biràn, l'imâm Yûsufu revint au village de Dyàba-Dekle ; il était malade et mourut au cours de cette maladie : que la miséricorde de Dieu le très haut lui soit acquise!

Alors le Fûta du Tôro resta un certain temps sans imâm: on dit Dieu le très haut le sait mieux que personne que la durée de cette absence d'imâm fut de trois ans, pen- dant lesquels la famine et la disette exercèrent des ravages innombrables et incalculables, tellement que beaucoup de gens émigrèrent à cause de la violence de cette famine.

Ensuite le pouvoir échut au savant professeur et sagace jurisconsulte, l'imâm Bâba-Lih fils du tafsiru-boggel Ahmadu fils de Samba fils de Demba fils de Bûbu fils de Demba fils de Bûbu fils de Demba fils de Dyam-Lih, du village de Dyâba, dont la mère était Hawa-Lih fille de ^Ummu fille de Sirè fils de 'Àli fils de 'AbduUâhi fils d'Alhasan fils de Doivut fils de 'Eli fils de Fadalla, du village de 'Ôgo. [Son avènement eut lieu] en l'année i252 après la fuite du meilleur des hommes (i) (que Dieu ré- pande sur lui ses bénédictions et lui donne le salut!). Il sui- vit au pouvoir le bon cheminet la terre redevint fertile par lagrâcedeDieu le très haut et sa bénédiction. Il demeura quatre ans en fonctions, puis fut déposé.

Il fut remplacé par le savant professeur et sagace juris- consulte, l'imâm Mohammadu fils de l'imâm Birân, du village de Mbumba, dont la mère était Takko fille du laf- siru-boggel Ahmadu fils de Samba fils de Demba fils de Bûbu, du village de Dyàba. Il suivit au pouvoir le bon chemin et y demeura trois ans, puis fut déposé.

(i) C'est-à-dire en i836-i837 de notre ère.

CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS

Ensuite régna le savant professeur et sagace juriscon- sulte, l'imâm Mohammadu fils de l'imâm Mahmûdu fils de Sirè fils de Màlik, du village de 'Anyam-Wuro-Sirè, dont la mère était la sokna Selli. Il demeura quelques mois en fonctions, puis fut déposé. Il avait été élu aux semailles d'automne et il fut déposé au milieu de cette même saison.

Ensuite régna l'imâm Mohammadu fils de l'imâm Birân^ qui demeura un an et demi au pouvoir ( i ) et fut déposé (2) .

Ensuite fut élu le savant professeur et sagace juriscon- sulte, l'imâm Siré fils de l'imâm 'Ali fils du tyérno Ibrdy de M^wm^a, dont la mère était Batûli fille de Samba fils d'Amina fille de Fâlil fils de 'Atumàne, de la tribu des Barôbe de Dyakel. Il suivit au pouvoir le bon chemin et y demeura un an et demi, puis mourut: que la miséricorde de Dieu le très-haut lui soit acquise !

C'est durant son règne que les gens du Fûia chassèrent dans la province du Tôro l'imâm Mohammadu fils de l'imâm Birdn; lorsque celui-ci fut arrivé chez Velimàn de Dimat, c'est-à-dire chez ïelimdn Bôkar, ce dernier de- manda aux gens du Fûta de le laisser tranquille; ils le lais- sèrent donc et s'en retournèrent, et il demeura en cette pro- vince avec le commentateur Dydbiri, auprès deDyânyum. L'imâm [Mohammadu] accomplit un nombre incalcu- lable de miracles, car il possédait à la perfection le don de faire exaucer ses prières à n'importe quel moment. Il y

(i) Un an d'après A.

(2) Ici se trouve placé, en marge du manuscrit A, le règne de l'imâm Sibawayhi, que B reporte plus loin. Nous avons suivi l'ordre donné par B.

CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS

demeura une année entière, puis revint chez lui après la mort de l'imâm Siré fils de Timâm 'Ali et de son frère Mahmûdu : que Dieu le très haut leur fasse miséricorde à tous les deux !

Ensuite fut élu le savant professeur et sagace juriscon- sulte, l'imâm Ahmadu fils de Hammdd fils de Samba fils de Suleymdn (i), du village de Pete, dont la mère était Fdtumata fille de Samba fils de Mustafd fils de 'Abdu fils de Hammë fils de Yero fils de Mûsd, du village des Barôbe de Dyakel. Il demeura au pouvoir durant la fin de l'au- tomne jusqu'au moment de l'hiver et fut déposé au cours de ce même hiver. Le Fûta demeura sans imâm pendant l'été qui suivit cet hiver.

Ensuite fut élu le savant professeur et sagace juriscon- sulte, l'imâm Rdsin fils de Mahmûdu fils de Hammadin fils d'Ibrd fils de Seydi fils de Hammet fils de Birdn fils de Hammet fils de Demba fils de Samba fils de Birdn fils de 'Isd fils de Demba^ du village de Medîna-Ndydtybe, dont la mère était Maryam fille de Samba fils de Sirë fils dt'Abdu fils de Samba (2) fils de Lamin, de la tribu des Busôbe. Il régna deux ans et fut déposé.

Ensuite fut élu l'imâm Mohammadu fils de l'imâm Birdn, au commencement de l'automne. Il fit un voyage dans la province du Tôro pour le renouvellement des turbans

(i) Au lieu de « Samba fils de Suleymân », A porte Sawa-Tylla, ce qui revient au même, ce Samba ou Sawa ayant pour père Suleymân et pour mère Tyila. Son père Suleymân était fils de Siwâ fils de Biras fils de Hammê fils de Pâte fils de Siwâ fils de Dyâsâ, lequel descendait de Kayâ-Makka.

(2) L'ordre dans lequel sont placés ces deux personnages [Samba et 'Abdu) diffère dans les deux manuscrits.

CHRONIQUES DU FOUTA SÉNÉGALAIS 77

[d'investiture] ; lorsqu'il revint, au milieu de l'automne, il rencontra un envoyé d'Alhàdyi-'Omar, qui était le docteur 'Omar (i) filsdu tyèrno Boylà. Il partit avec l'envoyé précité, en compagnie de notables du Fûta tels que Valfà 'Ali- Seydi, puis le tyérno-môlle Ibrà fils de Bôkar, puis Siley fils de 'Amar fils de Beld, puis Bôkar fils de 'Âli fils de Dundu, puis Samba fils de Moktâr appelé aussi le bôtol Sawa-Hâko, puis Abbàs, elimân de Rmdyaw, puis Ha- madi-'Ilo, puis aussi le grand câdi savant et équitable qui conserva l'administration de la justice depuis le règne de l'imâm Yûsufu jusqu'au règne de l'imâm Bàba-Lih malgré son jeune âge et sans qu'il y ait lieu de s'en étonner, vu qu'il était instruit, travailleur, prudent, s'eff"orçant d'at- teindre le summum de l'application en usant de ses facultés d'intelligence et de pénétration, et bien que, à chaque élec- tion d'imâm, il ne cherchât pas à se mettre lui-même à l'abri d'une prompte révocation ni des persécutions des gens du Fûta et attendît qu'il eût été nommé câdi par le nouvel imâm : il s'agit de l'illustre et respecté elimàn Ah- madu fils de Velimân Moktâr (2), du village de Pe/e. C'est cette année-là qu'eut lieu l'expédition de Farbannd, après laquelle l'imâm Mohammadu revint avec les gens du Fûta, au moment du labourage des terrains appelés Wâlo en langue étrangère (3). Son règne dura un an cette fois-là, puis il fut déposé.

Ensuite fut élu l'imam Sibawayhi fils de Sirè fils d'Ah- madu fils de Sirè fils de 'Àli fils de ' A bdull à hi fils d'Alha- san fils de Dowut fils de 'Eli fils de Fadlalla, du village de

(i) Ou alfa 'Omai\ selon l'expression couramment usitée pour désigner ce personnage.

(2) Cet Ahmadu fils de Mokfâr fut le père de l'imâm Mohammadu-Alamin^ appelé généralement «almâmi Mamadou-Lamine de Saldé».

(3) Dans l'espèce en langue peule (voir V/âlo au glossaire).

78 CHRONIQUES DU FOÛTA SENEGALAIS

'Ogo, dont la mère était Selli fille de Ha/su fille de Siré fils de 'Àli fils de 'Abdulldhi fils d'Alhasan fils de Dowut fils de 'Eli fils de Fadlalla. C'est cette année-là qu'eut lieu la guerre civile au Dyolof. Il demeura peu de temps au pou- voir et fut déposé.

Ensuite fut proclamé l'imâm Ahmadu fils de Hammàd fils de Samba fils de Suleymàn, qui demeura trois à quatre mois au pouvoir et fut déposé.

Ensuite régna pour la seconde fois l'imâm Ràsin fils de Mahmûdu fils de Hammadi fils d'Ibrd fils de Seydi, de Médina, qui fut déposé au bout de trois mois.

Ensuite fut élu Timâm Mo/zam^na^ifu fils de l'imâm Bz'rân, l'année de l'érection du fort de Màtam. L'imâm Moham- madu partit avec les gens du Fûta et ils se dirigèrent de ce côté (i) ; ce fut cette année-là que les gens du Fûta tra- versèrent le fleuve entre Garli et Tyempen; mais, ayant appris à ce moment-là la marche en avant d'Alhàdyi-'Omar fils de Sa'idu et son arrivée sur le territoire du Bundu, ils revinrent sur leurs pas. Le langage en action parlé par la marche en avant d'Alhàdyi-' Omar amena la déposition de l'imâm, un an après son élection.

Alhddyi-Omar arriva au village de Hôre-Fônde et y de- meura durant l'automne de cette année jusqu'à la saison

(i) <»JJlLfc 'J-^yJ- Sans doute « du côté de Mâtam ». On pourrait

traduire aussi : « et ils s'éloignèrent de », de Mâtam, par crainte des Français qui s'y étaient installés.

CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS 79

d'hiver, puis il en partit, se dirigeant vers Ndvum; l'imâm Mohammadu iiis de rimâm fii'rân Ty accompagna et revint sur ses pas après l'arrivée à.' Alhàdyi- Omar au village de Ndyum.

Depuis l'arrivée à.' Alhàdyi-' Omar au village de Hôre- Fônde, il n'y avait pas d'imâm au Fûta. Cependant 'Abdub Bubakar avait réclamé un imâm parmi les docteurs du Fûta, mais ceux-ci avaient refusé par peur (i), à l'exception de Mustafd fils du ty^èrno ' Abdullàhi fils de Gaysiriy du vil- lage de Hôre-Fdnde, qui avait pour mère Labûda (2) fille du tyërno Samba fils de Mahanti fils du tyerno Dyobru, de Boyinâdyi, et qui fut élu au commencement de ce même automne. Alhâdyi-'Omar apprit cela et, craignant que, s'il n'était pas présent lui-même au village de Hôre-Fônde, on ne pillât ses bagages qui s'y trouvaient en dépôt, il partit un matin de Mbumba et arriva à Hôre-Fdnde dans la même journée. 'Abdul-Bubakar se réfugia sous la protection de ses confrères (3) et l'imâm Mustafd se réfugia auprès de certains Kunta qui avaient été ses maîtres.

Cependant Alhâdyi-'Omar s'était éloigné vers l'est après avoir semé ses troupes sur le territoire du Fûta, plantant la hampe d'une bannière à Gèlle, une autre près du fleuve à Tyaski et une autre sur le fleuve à Dyowol (4), après aussi s'être emparé de la mère de 'Abdul-Bubakar, c'est-à- dire de Saynabu fille de 'Aysata fille de Fâtumata fille du

(i) Par peur d'Alhddyi-Omar.

(2) A donne comme mère à l'imâm Mustafâ une nommée Tamar fille de Lamin ûls de Ndûnde.

(3) Ou « de ses frères » ; le texte porte Ajl»i-1.

(4) ^^.Pc^ Aie ijj>-\j^ J^r^t5? V^^^-^ ^^J ^^-^^ ^V <J_^p»- ^;3*i ^^ iJ-\j>-[jj (_A_-.^j>-, Littéralement « une près du fleuve de Tyaski et une dans le fleuve de Dyowol ».

8o CHRONIQUES DU FOÛTA SENEGALAIS

tyërno Ibrd : comme Bubakar-'Àli-Dundu se trouvait en avant de lui (i), 'Abdul-Bubakar ne se préoccupa pas de cet incident. Le bummudy Samba-Saynabu était allé recon- duire Alhddyi-'Omar avec Ahmadu fils du tyërno Demba fils de Sirè fils de Demba fils de Bûbu fils de Demba fils de Dyam-Lih; à leur retour, ils apportèrent une lettre d^Alhâdyi-'Omar adressée aux gens du Fûta; dans cette lettre Alhàdyi-' Omar OTà.onndi\l à ceux-ci de confier l'admi- nistration [du pays] à Ahmadu [fils du[ tyërno Deinba, ci- dessus mentionné. Ils étaient sur le point de le faire lorsque, au moment on allait procéder à l'investiture, un nuage s'avança rapidement et, en le voyant grossir, la foule s'en alla (2) . Cette circonstance se trouva coïncider avec le retour de l'imam Mustafd et de 'Abdul-Bubakar : or, c'était ce Mustafd précité qui avait été régulièrement investi des fonctions d'imâm au commencement de l'automne. Ensuite la pluie tomba en petite quantité.

On déposa Mustafd dans les derniers jours du même automne.

Ensuite fut élu de nouveau l'imâm Mohammadu fils de l'imâm Biràn, qui partagea le pouvoir durant l'automne avec l'imâm Mustafd et le garda durant l'hiver et l'été sui- vants (3), puis fut déposé.

On choisit à sa place, au commencement de l'automne

(i) k*[a\ X:» Jl» ^^ j&j. Ce bubakar était le père de 'Abdul-Bu- bakar et se trouvait sur le chemin que devait parcourir Alhâdyi-Omar, en sorte que 'Abdul-Bubakar s'en remit à lui du soin de racheter sa mère ou de la faire mettre en liberté.

(2) Ce passage est obscur et il est difficile de savoir s'il faut lui donner une valeur métaphorique ou s'il faut le prendre au pied de la lettre. Le sens littéral est le suivant : « Mais un nuage s'avança rapidement sur les nuages de cette investiture et, à cause de son gonflement, [il y eut] disparition. »

(3) Durant trois mois environ seulement, d'après B.

CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS 8l

[suivant], son frère de père, c'est-à-dire le savant professeur et sagace jurisconsulte, l'imâm Ahmadu fils de l'imâm Biràn, dont la mère était Fâtumata fille du tyérno Samba fils de Mustafd et d'Amma, de la tribu des Barôbe d^Dy^a- kel. Les gens du Bôseya pillèrent alors l'habitation de l'imâm Mohammadu fils de l'imâm Birân et la démolirent de fond en comble; sa maison se dispersa : lui-même se rendit chez les frères de sa mère, au village de Dydba; Ibrd^ fils de l'imâm Mohammadu^ prit la maisonnée de son père et l'installa à Hàyre, puis il retourna à Mbumba et tua par traîtrise son oncle paternel (i) l'imâm Ahmadu fils de l'imâm Birân, au moment du labourage des champs; ensuite il se transporta auprès de son père l'imâm Moham- madu et l'informa de ce qui s'était passé; l'imâm [Moha7n- madu] versa des larmes en abondance (que Dieu le très haut leur fasse miséricorde à tous les deux!), puis lui et son fils partirent du village de Dydba et se rendirent à Hdrre.

Ensuite régna le savant professeur et sagace juriscon- culte, l'imâm Mahmûdu fils de Velimdn Mdlik, du village des Bdbdbe (2), dont la mère était Amina fille de Rahmalu fille de Dowut fils de Seydi fils de Hamet fils de Habibu fils de Birân^ des Ndydtybe du village de Dyûde-Dyâbi . Il demeura trois mois au pouvoir, puis fut déposé.

Ensuite régna le savant professeur et sagace jurisconsulte qui surpassa les personnages de son temps en savoir, en renom, en courage, en éloquence, en perfection oratoire, en

(i) Le texte porte « son père », soit par erreur, soit parce que le mot « père » est souvent employé comme synonyme d'oncle paternel. (2) Bahbâ^e dans A.

82 CHRONIQUES DU FOÛTA SENEGALAIS

religion et en force de caractère, l'imâm Ahmadi fils du tyèrno Demba fils de Sirë fils de Demba fils de Bûbu fils de Demba fils de Bûbu fils de Demba fils de Dyam-Lih^ du village de Dydba par son père. Sa mère était Fâtumata ûUe de Hammàd (i) fils de Rdsin fils de Handu fille de Penda fille de Tômi fille d' Ibràhima fils de Nyokor, du village de Galoya. Il demeura au pouvoir un an et demi. Ce fut lui qui livra aux Chrétiens la bataille de DyontOy ainsi que la bataille de Tyéw et de Dirmbodâ, et aussi celles de Nguy et de Bokkul, [après lesquelles] il fut déposé. C'est sous son gouvernement que ' A bdul-Bubakar tomba. sur le village de Mbumba et poursuivit l'imâm Moliam- madu fils de l'imâm Birân jusqu'à Dyammàl.

Ensuite régna le savant professeur et sagace juriscon- sulte, l'homme pieux connaissant à fond le droit et le Coran, l'imâm Ndyày fils de Hammdd fils de Hamma- din (2) fils de Mustafd fils de Hammè fils de Demba fils de Dowut, du village de Hàyre^ connu aussi sous le nom d'imâm Alhasan (3) fils de Maryam fille de Moklàr fils de Hàjyimé fils de Demba fils de Mustafd fils de Hammé fils de. Demba fils de Dojput, laquelle était du village de Golléra. Son père et sa mère appartenaient tous les deux à la même tribu, celle des Barôbe de Hàyre. Il resta neuf mois au pouvoir et fut déposé.

C'est durant cette année que M. Régnault (4) s'avança

(i) Hammât dans B.

(2) A portait d'abord comme B « fils de HammCid fils de Lamin, du village de Hâyre » ; ces derniers mots ont été rayés à partir de Ilammâd exclus et remplacés par « fils de Hammaciin, etc. ». Siré-Abbâs maintient cette dernière leçon.

(3) Son père lui avait donné le surnom de Ndyây, tandis qn' Alhasan était le nom que lui avait donné sa mère.

(4) Le texte porte y^j iS y^^ ^^^^ "" point représentant la voyelle e

CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS 83

vers Hunuko-Hàyre pour bâtir le fort qui s'y trouve. A cette époque, 'Abdul-Bubakar et Mohammadu [fils de] Velimàn Sirè étaient à Mbôlo chez les Yirlâbe, ainsi que le fils de celui-ci Ahmadu [fils de] Velwiân Mohammadu^ et aussi Ahmadu-Sawa-Dundu, Samba-Galo-Lumbal ^ Veli- màn de Rindyaw 'Abbàs, le tyërno-mdlle Mohammadu^ Saidu-Yero-Mahmûdu-Du7idu, Yeroyel fils de Dewa- Nayel, Ahmadu fils de Hammadi fils de Lamin fils de Hammè, Velimàn 'Usmàna fils de 'Amar fils de Beld, Ahmadu fils d'Ibrd fils de Saydu fils de Bamba, Vardo des Galoyàbe Ahmadu fils de Dyàdye, Velimàn Moham- madu fils du tyèrno Dewa, 'Amar fils de Bôkar et Mohammadu- A lamin fils d' Ahmadu fils de Moktar, au- trement ôïiKôlàdo. iM. Régnault fixa près de Koyle-Fenyd la limite séparant les gens du Fûta d'avec les Chrétiens (i). Ensuite l'imâm Alhasan fut déposé.

Ensuite régna le savant professeur et sagace juriscon- sulte, l'imâm Ràsin fils de Mohammadu fils de Wahhàbu fils de Baba fils de Bokkari (2) fils de 'Abdul fils de Sirè fils de Lamin fils de Biràn, du village de Sintyu-Ba- mambi par son père. Sa mère était Selli fille de ']4/i fils de Mahmûdu fils de 'yï/i fils de Ràsin, du village de Tyilon. Il resta huit mois au pouvoir et fut déposé, après quoi les

sous le ^J', un point analogue sous le J et la voyelle o sur un ^ sur- monté de trois points, ce qui donne, pour un Peul, la lecture Muse Renyô. Il est facile de reconnaître le nom de « Monsieur Régnault », lieutenant de vaisseau.

(i) C'est-à-dire séparant la partie du Fûta demeurée indépendante d'avec celle passée sous le protectorat français; il s'agit du traité du lo août i863. (Voir au glossaire Hunuko-Hûyre et Koyle-Fenyà.)

(2) A porte « Wahhâbu flls de Bûbokkari » J^ 1)/»j »^Iaj : c'est évi- demment une erreur du copiste pour^j •o^jl. y wjL*^.

84 CHRONIQUES DU FOÛTA SENEGALAIS

gens du Fûta du Tôro demeurèrent une année entière sans imâm.

Ensuite fut élu le savant professeur et sagace juriscon- sulte, rimâm Sâda fils d'Ibrd fils d'Ahmadu fils du tyërno Ibrd fils de Hammàd fils à'Ibrd fils de Mahmûdu fils de Biràn fils de 'Abdullàhi, du village de Mbumba, dont la mère èlaàt Hafsatu fille de Velimân Biràn fils de Bûbu, du village de Mbôlo-Birân. 11 resta un an et demi au pouvoir.

11 était l'ami intime du mahdiyu. (i) qui fut cause des guerres civiles [qui désolèrent] tout le Fûta ou du moins la plus grande partie de ce pays. C'est au temps du gou- vernement de l'imam Sâda que ' Abdul-Bubakar tomba sur le tyërno Biràhïma fils de 'Usmàna fils de 'Umur fils de Nalla fils de Môdi fils de Samba fils de Pâte fils de 'Â/î, au village de Magàma; Abdul-Bubakar fut vaincu en cette circonstance. Lorsqu'il fut revenu au Fûta, on déposa l'imâm Sâda ; la durée de son séjour au pouvoir n'avait pas atteint une année.

Après lui fut élu le savant professeur et sagace juriscon- sulte, l'imâm Mohammadu fils de Mahmûdu fils de 'Àli fils de Takko fils de Barka fils de Samba fils de Sukki fils de 'Ali fils de 'Usmàna fils de Biràhïma fils de Nyokor fils de Biràhïma fils de Mûsd fils de Suleymàn, dont la mère était la sokna 'Aysata fils de l'imâm Siré fils de Hasan fils de Lamm, du village de Hâyre. Son entrée en fonctions eut lieu au moment de l'automne et il resta un an au pou- voir, puis fut déposé.

Ensuite le pouvoir fut confié de nouveau à l'imâm Sâda

(i) C'est-à-dire du « mahdi de Podor » ; voir plus haut la note relative à ce personnage.

CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS 85

de Mbumba dont il a été parlé précédemment. Il partit avec ' Abdul-Bubakar et une troupe de gens du Fûta, se dirigeant vers le Ferlo pour se rendre au Bundu, mais il fut déposé en chemin un mois après son élection et avant d'avoir atteint le Ferlo et il revint à Mbumba^ tandis que ' Abdul-Bubakar et ceux qui l'accompagnaient continuaient leur route vers la province du Kâso.

En revenant de ce pays, ['Abdul-Bubakar] tomba sur Ibrd fils de 'Abdul fils de Sirè fils du commentateur Ah- madu fils de Hammâd fils de Kuro, au village de Kanel, à cause de moutons dont Ibrd-'Abdul s'était emparé par force au village de Fummi-Hàra: le propriétaire de ces moutons s'était plaint à 'Abdul-Bubakar du rapt de ses moutons et 'Abdul-Bubakar avait voulu que l'affaire fiît jugée selon la loi de Dieu le très haut, mais Ibrd- Abdul- Siré s'y était refusé et c'est alors que 'Abdul-Bubakar était tombé sur lui au village de Kanel. Après cela, Abdul- Bubakar fut atteint d'une maladie et, en raison de cette maladie, il se rendit dans le pays des Maures pour cher- cher un remède. Alors Ibrd- Abdul-Sirë partit du village de Kanel et vint au village de Mbumba, il fit connaître à Ibrd fils de l'imâm Mohammadu fils de Timâm Birân ce que lui avait fait 'Abdul-Bubakar ; là-dessus, Ibrd fils de l'imâm Mohammadu résolut de ramener à Kanel la maison d'Ibrd-'Abdul, mais Velimàn Mohammadu fils de Velimàn Sirè, du village de Mbôlo-'Àli-Sidi, s'y opposa.

Alors une armée ayant à sa tête Demba- Wdr vint de chez Latdyôr (i) pour prêter assistance à Ibrd fils de l'imâm Mohammadu. Les notables du Fûta, en ayant été informés, envoyèrent l'imâm Mustafd, avec Hammâd fils de Nalla fils d'Ahmadu fils de Lamin fils de Demba, connu sous le nom de Hammàd-Nalla-Boyya (2), ainsi que Moham-

(i) C'est-à-dire fut envoyée par Latdyôr, célèbre agitateur du Cayor. (2) Boyya étant la mère de Nalla père de Hammâd.

86 CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS

madu-Alamin, autrement dit Kôlàdo, puis Hammadi- Seydi-Dàyd (i) et d'autres personnages de marque ; ces envoyés descendirent dans la maison de Velimàn 'Usmâna fils de 'Amar fils de Beld, du village de Pete ; Moham- madu fils de Siley fils de 'Amar était alors l'homme le plus brave vivant au village de Mbumba : les envoyés les supplièrent tous les deux (2) de faire retourner l'armée en question au Kadrôr, et cette armée retourna en effet au Kadyôr.

Cependant Ibrd fils de l'imâm Mohammadu partit avec Mohammadu fils de Siley fils de 'Atnar. Ils se rendirent à Woyndu-Maka7n, dans le pays du Ferlo, et tombèrent sur l'un des compagnons et des amis de 'Abdul-Bubakar, un homme nommé Suleymân fils de Makam qui demeurait au village précité ; ils s'emparèrent de tout ce qu'il y avait dans ce village en fait de troupeaux et de biens mobiliers.

Or ces histoires dont on vient de parler entre 'Abdul- Bubakar et Ibrd-'Abdul-Siré, ainsi que le pillage de Woyjidu- Makam par Ibràhima fils de l'imâm Moham- madu et Mohammadu fils de Siley fils de 'Amar, furent en partie les causes de la bataille de Dyôrôdu^ et nous al- lons donc entrer dans le récit de ce qui se rapporte à l'affaire de Dyôrôdu.

Lorsque 'Abdul-Bubakar fut guéri de sa maladie, il arriva avec Hammê-Heyba (3) et tous deux attaquèrent ce [village de Dyôrôdu], Ibràhima fils de l'imâm Moham- madu et Mohammadu fils de Siley fils de 'Amar répondi- rent à leur attaque. Les gens du Bôseya (4) furent mis en déroute et dans cette bataille périrent beaucoup de gens du Bôseya etdes 'Àydi, principalement du village deDyowgel;

(i) Dâyà étant la mère de Seydi père de Hatnmadi.

(2) Sans doute Velimân 'Usmâna et Mohammadu-Siley.

(3) Hammê fils de Heyba était un Maure Brakna de la fraction des Oulâd- Abdailah.

{4j Qui formaient le gros du parti de 'Abdul-Bubakar.

CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS 87

Bubakar-Hammadi-' Ilo et son frère Mahmûdu-Hammadi- 'Ilo, ainsi que Màlik fils deMejr fils de 'Àli fils de Dundu, moururent ce jour-là.

Lorsque [les belligérants] se furent éloignés du lieu du combat, Hammè-Heyba réclama le prix du sang des gens de son groupe des 'Aydi qui avaient été tués dans la ba- taille, prix incombant à la charge d'Ibràhima fils de l'imâm Mohammadu et de Mohammadu fils de Siley, dont les deux tribus respectives étaient celles du Lâo et des Yir- làbe du Dyèri. Ils tinrent séance, pour discuter cette affaire, au nord du fleuve, près de Tebekut et à Test de ce village, mais ils ne purent se mettre d'accord, les avis étant partagés relativement à l'objet de la discussion. Alors Hammè-Heyba jura sur ses ancêtres que le feu de la dis- corde et de la guerre ne s'éteindrait jamais entre ses ad- versaires et lui jusqu'au jour de la disparition de leurs propres personnes ni tant que leurs rameaux verts ne se- raient pas flétris (i).

Ainsi le Bôseya et les 'Àydi formèrent ensemble un parti, tandis que le Lâo, les Alayidi et les Yirlâbe du Dyèri formaient ensemble un autre parti. Les deux partis se livrèrent, près du village de Dyâba, un combat dont la fumée s'envola avec la légèreté des ailes d'un oiseau. Les gens du Bôseya et les 'Àydi furent repoussés, parce que leurs adversaires les avaient trompés en dissimulant leurs troupes dans le champ de Luggere, qui est un lieu de cul- tures maraîchères situé entre Dyâba et Bâlâdyi ; cette dé- route les poussa à continuer la guerre avec plus d'énergie, mais ce n'était pas ce que voulaient les gens du Lâo et des deux fractions des Yirlâbe, lesquels retournèrent dans leur pays. Le lendemain de ce jour-là, les gens du Bôseya et les 'Àydi tombèrent sur le village de Vendin, le détruisi- rent et tuèrent le dyâltâbe Bôkar et le prieur de la commu-

(i) C'est-à-dire jusqu'à la mort de leurs descendants alors vivants.

88 CHRONIQUES DU FOÛTA SENEGALAIS

nauté, qui était le tyèrno Ndyubayru fils du commenta- teur Mahmûdu fils de Ràsin fils de Yûsufu fils de Sukki, qui avait comme nom de clan 'Aîp ; ils tuèrent encore d'autres gens en dehors de ces deux personnages. /&râ/iima fils de l'imâm Mohammadu était alors à 'Abdalla et Mohammadu fils de Siley à Wdsetàke. Lorsque Moham- madu fils de Siley apprit ce qui s'était passé, il marcha sur Vendin; mais, comme il atteignait le village de Tebe- kut, il fut saisi parles gens de Ndar (i), tels que Mâ- khonne-Sek et ses pareils, qui l'arrachèrent par violence de dessus son coursier ; là-dessus, il se mit à verser de vraies larmes, tandis que Mohammadu- Alamîriy fils à'Ah- madu-Moktàr de Pete, l'exhortait et lui imposait silence. Les gens de Ndar s'étaient conduits de cette manière vis- à-vis de lui parce qu'ils savaient avec certitude que les gens du Bôseya (2) lui avaient dressé des embuscades sur la route : aussi, dès qu'il voulut continuer sur Vendin, ils le trahirent. Cet acte de violence eut lieu au moment se fait la récolte dans les terrains appelés 7i>àlo en langue étrangère.

Vers la fin du même été se mit en route Velimàn Mohammadu fils de Velimdn Sirè, chef des Yirlâbe du Dyèri, dont on n'espère pas trouver le pareil après lui au sein de cette tribu ; Ibràhima fils de l'imâm Mohammadu partit aussi, ainsi que Mohammadu fils de Siley fils de 'Amar : tous se rendirent à DyUde-Dyàbi. Velimàn Mohammadu dit : « Rassemblez la totalité d'un impôt égal à celui que l'imâm du Fw^a perçoit sur les villages du Lâo (3).»

(i) jl>_ j-*j V I, ethnique dérivé de jA> 1 {Ndar), nom indigène de Saint- Louis du Sénégal.

(2) /t*lj''-vj'^" avec un damma à trois points sur le %^ pour marquer

la prononciation ,0. Forme ethnique arabisée désignant les gens du Bôseya.

(3) 3V iS^ (3? UÂi>-l s^j» ^l*\ ô^ ioj ^ ^J^is^Si, L'auteur a

CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS 89

Ellbràhimaf'ûs de l'imâm [Mohammadu] s'écria: « Cela ne se fera qu'après qu'on aura réuni la totalité d'un impôt égal à celui que l'imâm perçoit sur les villages des Yirlàbe. » Là-dessus Velimân Mohammadu entra dans une violente colère et retourna à Mbôlo-'Ali-Sidi.

Aussitôt après cela eut lieu la guerre de ' Abdul-Bubakar et de Bubakar-Sàda contre Valfaki 'Atumâne fils à'Ah- ma^u fils de Z)}^âf ara et son neveu (i) Bûbu-Sirè, lesquels vainquirent 'Abdul-Biibakar et Bubakar-Sàda ; Bubakar- Sàda perdit beaucoup de ses chevaux dans cette bataille, qu'on appelle le combat de Bôfel.

Après cela, les gens du Bdseya se partagèrent en deux sections. L'une comprenait le pays s'étendant à partir de Dàbiya vers l'est; c'est Velimàn de Rindyaw, 'Abbàsûls de Velimàn Mohammadu, qui prit le commandem.ent de l'armée fournie par cette section, dont la bannière était portée parle tyërno-môlle Baba fils de Màlik fils de Yero; avec eux étaient 'Abdul-Bubakar et Hammè-Heyba. Ual- faki 'Atumàne-Ahmadu-Dyàtara et son neveu Bûbu-Sirè furent vaincus et Dundu fut tué, dans une bataille qu'on appelle le combat de Tyànkon.

Cependant le iyërno-mdlle Mohammadu, fils d'Ahmadu- Moktàr fils du tyërno-môlle Mahmûdu fils de 'Àli fils de/^âsm, partit faire la guerre au Lào et aux deux frac- tions des Yirlàbe, accompagné de toute la section occi- dentale du Bôseya. La rencontre eut lieu à l'est de Hôre- Fônde, près d'un lieu de cultures appelé Bàri. L'armée du Lào et des deux provinces des Yirlàbe fut mise en dé- route. Le chef des Yirlàbe du Dyèri, dans cette bataille appelée le combat de Bàri, était Velimàn Mohammadu fils de Velimàn Sirë, et les chefs du Lào étaient 'Abdul fils

voulu écrire /^«-«csïJJ. Probablement dans le but d'obtenir la paix, le chef

des Yirlàbe pressait le Lâo d'acquitter son impôt, tandis que les gens du Lûo voulaient que les Yirlàbe payassent le leur les premiers, (i) Le texte porte « son lils *, mais il convient de lire « son neveu ».

90 CHRONIQUES DU FOÛTA SENEGALAIS

de l'imâm Mohammadu et Mohammadu-Hammâd-Kuro. Quant à Ibrâhima fils de l'imâm [Mohammadu] et à Mohammadu- Siley, ils étaient alors dans la province du Kadyôr.

C'est au commencement de l'automne qui suivit cet été que fut élu le savant professeur et sagace jurisconsulte, l'imâm Mâlik fils de Mohammadu fils du commentateur Algàsimu fils de Sirè fils de Hammadi fils de Biràn fils de Demba fils de Mât fils de Moktàr fils de Ndyobbo fils de Môdi. Sa mère était Fâtumata fille de l'imâm Yûsufu fils de Sirè. Son père et sa mère étaient tous les deux du vil- lage de Dyàba-Dekle. Sur ces entrefaites, Ibrâhima fils de l'imâm Mohammadu et Mohammadu-Siley s'avancèrent, le turban de l'imâm Mâlik tomba (i) et il fut déposé.

Cet événement fut suivi immédiatement, d'après les tra- ditions du Fûta, d'un conseil tenu par Mohammadu-Siley, 'Abdul fils de l'imâm Mohammadu, Ibrd-'Abdul-Siré, Bi- rân-'Abdul, Velimân Mohammadu [fils] de Velimân Sirè et 'Abdul-Bubakar,au moui\\a.gede Dirmboda ou Dirmbodyd, dans le bateau d'un homme de Ndar nommé Ndyây-Sûr. Ils tombèrent d'accord pour nommer un imâm ayant auto- rité sur le territoire du Fûta. Cela se passait au commen- cement de l'automne. Lorsque l'automne fut révolu, les gens du Fûta (2) envoyèrent dire à Mohammadu-Siley et à Ibrâhima fils de l'imâm Mohammadu de venir auprès d'eux pour exécuter l'engagement pris. Mais tous deux né-

(i) C'est-à-dire que la marche en avant d'Ibrâhlma et de Mohammadu provoqua la déposition de l'imâm Mâlik.

(a) O ♦? (J-*i. Cette expression, ici comme en beaucoup d'autres pas- sages, semble désigner le corps des notables qui procédait à l'élection régu- lière des imâms ou almâmi, chefs religieux et politiques du foûta.

CHRONIQUES DU FOOtA SÉNÉGALAIS 9I

gligèrent [de venir] et alors on élut pour la seconde fois i'imâm Ràsin fils de Mohammadu (i) fils de Wahhâbu fils de Bdba lils de Bokkari, et on envoya dire à Ibràhima fils de I'imâm Mohammadu et à Mohammadu-Siley de venir pour la reconnaissance officielle de I'imâm précité. lAdÀs Ibràhima fils de I'imâm [Mohammadu] ne vint pas, pas plus que Mohammadu-Siley.

Alors les gens du Bôseya se rendirent au village de Ga- loya et firent écrire une lettre adressée à Mohammadu- Siley, par la plume du tyêrno Demba fils de Sa'idu fils de Samba fils de Mât, du village de Tyilon ; [dans cette lettre] ils demandaient à Mohammadu-Siley de vouloir bien faire acte d'hommage envers I'imâm, pour la paix du Fûta et l'extinction des flammes de la guerre civile. Ils avaient prié aussi le docteur Mohammadu- Alamin de Pete, avant l'in- vestiture de I'imâm Ràsin, de leur faire la faveur d'obtenir de Mohammadu-Siley qu'il reconnût cet imâm. Mais Mo- hammadu-Siley n'agréa pas cette requête.

Cependant Ibràhima fils de I'imâm Mohammadu se ren- contra avec Mohammadu-Siley près d'une mare située entre Bokke-Salsalbe et Bokke-Fàfàbe et appelée Sawa- Tyelmbi ; avec Ibràhima fils de I'imâm Mohammadu so. trouvait le professeur Mohammadu fils du tyêrno Mahmûdu de Magàma, qui revenait de la maison sacrée de Dieu (2). Lorsque les gens de Bôseya furent bien certains que la guerre et la discorde allaient continuer de plus belle à ravager le Fûta (3), ils retournèrent chez eux.

Cela se passait vers la fin de l'automne. L'on n'entendit plus parler des actes de I'imâm Ràsin (4) mentionné plus

(i) B porte ici Mahmûdu au lieu de Mohammadu, évidemment par erreur.

(2) C'est-à-dire qui revenait d'un pèlerinage à La Mecque.

(3) Cjjlf f^ iL«A)l il.3jlj JbiJl. tg^y, ^^^J l-^.

(4) Le texte porte ici -*^J {Rachîd ou, selon la prononciation locale Rasîd). Voir à ce sujet une note précédente.

92 CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS

haut, qui était resté au pouvoir pendant sept mois ou un peu plus, et le Fûta fut dépourvu d'imâm pendant l'hiver suivant.

Alors les gens du Fûta envoyèrent dire à Mohammadu Siley de se rendre auprès d'eux pour la désignation d'un imâm et Mohammadu- Siley déclina l'invitation. Mais Yahyd fils de Yettum fils d'Ahj7îadu-Dya7n se trouva pré- sent [à l'élection], et, comme il âv ah a.yec Mo hammadu- Siley un ancêtre commun en la personne de Dyam, Veli- màn Mohammadu fils de Velimàn Sirè dit : « La présence de Yahyd peut compenser l'absence de Mohammadu- Siley. » Et ils élirent le savant professeur et sagace juris- consulte, l'imam Ndy dy û\s du tyérno' E H fils deDemèa(i) fils de Sàlum fils de Hammàd fils de Lamin fils de Mûsd fils de Yero fils de Mûsd fils de 'Eli, du village de Dyàba, dont la mère était Kumba fille de ^Aysata fille de Biràn, du village de Hdyre.

Après l'élection, 'Abdul-Bubakar envoya chercher Mo- hammadu-Siley ^ qui, une fois arrivé, accompagné de Birân-'Abdul et de beaucoup de gens, refusa de reconnaître l'imam, qui fut déposé. Alors Velimàn Mohammadu [fils] de Velimàn Sirè jura en pleurant que jamais le Fûta ne connaîtrait la paix jusqu'à la fin des siècles (2).

Ensuite 'Abdul-Bubakar s'en alla avec Mohammadu- Siley auprès de Hammé-Heyba ; durant ce trajet, les gens du Bôseya convinrent de mettre fin à l'accord qui les liait à Mohammadu- Siley (3), et Hammé-Heyba fit présent à

(i) B porte, au lieu de Demba, Dewa-Dyali: Dyali était la mère de ce Demba ou Dewa.

(2) Littéralement « pendant ce qui restait du siècle » ou « pendant ce qui

restait du temps » ^/*-^i Cy* tS^ "^ °" P^"^ donc entendre aussi « jusqu'à la an du siècle ».

CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS

ce dernier d'un magnifique coursier. C'est à la suite de cela, d'après les traditions du Fûta, qu'eut lieu le combat de LVli'e entre Hammé-Heyba, les gens du Bôseya et les Yirlâbe du Dyèri d'une part et, d'autre part, les Tuwdbir, les gens du Lâo et les Yirlâbe- Alayidi ; le parti com- prenant les gens du Bôseya, les 'Âydi et les Yirlâbe du Dyèri fut vaincu. Le lendemain de ce jour, Demba-Dara- mân fit une incursion sur les cultures des Hebbiyâbe, sur la rive nord du fieuve, et, le lendemain de cette journée, ils (i) attaquèrent à l'improviste le village de Paldiety tuèrent quelques personnes. Sur ces entrefaites, Ibrâhïma fils de l'imâm Mohammadu, Mohammadu-Siley et une troupe de Tuwâbir tombèrent sur le village de Ndullibay puis ils retournèrent sur leurs pas et campèrent près de Vendin. Les gens du Bôseya partirent alors avec Hammê- Heyba et se rendirent au village de Vendin, eut lieu le combat de Lobugel, dans lequel périt Mohammadu-Siley. Après sa mort, [les gens du Bôseya] tombèrent sur le village de Mbumba, le ravagèrent et abattirent le palmier qui se trouvait dans l'arrière-cour de l'habitation de l'imâm Mohammadu fils de l'imâm Birân. Comme preuve du courage de Mohammadu-Siley, on cite ce trait: il attendait les gens du Bôseya, les 'Ày^di et les Yirlâbe du Dyèri, après que la plupart des gens du Lâo, et notamment tous ceux du Worgo (2), ainsi qu'une petite partie de ses propres troupes, étaient retournés en arrière, fuyant devant la mort et les angoisses de la faim ; le docteur Mohammadu-Ala- min de Pete lui avait fait connaître qu'il allait mourir et il

^Is Ji. On pourrait aussi traduire : «les gens du Bôseya convinrent de pré- ciser les termes de l'accord qui les liait à Mohammadu-Siley *, mais la tra- duction adoptée répond mieux à ce qui suit.

(i)Ce pronom représente vraisemblablement les guerriers de Demba- Daramûn.

(2) Le texte porte ^;*f»- v-S jy JV ^ ^.JT^ (Voir VVorgo au glossaire.)

94 CHRONIQUES DU FOUTA SENEGALAIS

se résigna avec joie à la mort, que de nombreux symptômes lui annonçaient; il agissait ainsi à cause de sa grandeur d'âme et parce qu'il suivait [en esprit] la réponse à l'invo- cation [que l'on adresse à Dieu] à ces heures-là.

Après ces événements, Ibrâhîma fils de Timâm Moham- madu et Jsmâ'ila-Siley-'Amar se rendirent dans la pro- vince du Kadyôr pour recruter une armée, dans les derniers jours de l'automne pendant lequel avait été tué Moham- madu-Siley. Lorsque 'Abdul-Bubakar eut appris qu'ils avaient trouvé l'armée [qu'ils cherchaient], il écrivit au chef des Français [une lettre] qu'il confia aux mains de l'un de ses tisserands, Yero-'Àli-Gelddyo, et dans laquelle [il disait] : « Sache qu' Ibrâhîma fils de l'imâm Moham- madu et Ismaila-Siley- Amar veulent dévaster le territoire du Fûta, dont la ruine amènera la ruine de Ndar ; je leur avais donné un fort salaire, composé de ce qu'il y a de mieux en fait de chevaux et d'effets, pour qu'ils abandon- nassent leur projet, mais ils ont rejeté la demande que je leur adressais (i), et je t'informe de cette situation. »

Alors le gouverneur de Ndar envoya un message à Ibrdhima fils de Pimâm Mohammadu et a.Ismà'ila-Siley- ^Amar, dans la province du i^arfj'ôr, leur ordonnant de venir à Ndar. Lorsqu'ils furent arrivés auprès de lui, il leur fit voir la lettre sus-mentionnée et Ismd'ila-Siley répondit : « Il n'existe pas de salaire de lui à nous et nous ne sommes pas ses ministres ; tout ce qu'il y a, c'est qu'il a ravagé notre pays et que nous voulons lui rendre la pareille. » Le gou- verneur de Ndar leur dit : « Si vous voulez que je sois votre ami, laissez votre armée dont on m'a parlé et retournez au Fû^a; jem'y rendrai et rétablirai la paix entre vous et'AMu/- Bubakar. » Mais Ibrâhîma fils deVimàiro. Mohammadu re- jeta cette proposition. Ensuite tous deux se mirent d'accord

(i) Littéralement « ils n'ont pas accepté cela de moi » .^ ^'La> (»-j

CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS gS

avec le gouverneur pour se conformer à ce qu'il leur avait dit et ils retournèrent [auFûta] sans leur armée, et le gou- verneur de Ndar envoya porter cette nouvelle à 'Abdul- Bubakar.

Puis le gouverneur de Ndar Brière de l'Isle (i) arriva [a.uFûta]au commencement de novembre (2), accompagné de l'interprète Hammàd fils de Ndyày fils de Hammàd fils du Ràsin-'An, de 'Abdullàhi fils d'Abulmoghdàd et de 'Usmân-Sôjp ; ils débarquèrent à Salde. Or, avant l'arrivée à Salde du gouverneur et de ses compagnons susmen- tionnés, les gens du Fûta avaient élu un imâm, qui était le savant professeur et sagace jurisconsulte, l'imâm Mo- hammadu fils de l'imâm Ahmadu fils de Bâba-Lih fils d'Ahmadu fils de Sirè (3) fils de 'Âli fils de 'Abdullàhi fils d'^Alhasan fils de Dowut fils de 'Eli fils de Fadlalla, du village de 'Ogo, dont la mère était Budu fille de l'imâm Sirè fils d' Ahmadu fils de Sirè fils de 'Ali fils de 'Abdul- làhi fils d'Alhasan fils de Dowut (4), du village de Hàyre, et ils étaient venus avec lui à Dyàba. 'Abdul- Bubakar fit halte en ce lieu, tandis que l'imâm continuait sa route jusqu'à Mbôlo-Biràn, il descendit dans la maison de Velimàn Kàna-Sirè.

Le gouverneur de Ndar précité leur envoya une lettre pour leur ordonner de ne pas pousser jusqu'au Lâo, à cause de la guerre qui y avait eu lieu à la saison des pluies et de

(2) Le texte porte ^IjJi, sans doute pour ^'j^'-

(3) A omis ici Ahmadu entre Bâba-Lih et Sirè; ce personnage est men- tionné dans B et avait été mentionné aussi par A dans le paragraphe concer- nant l'imâm Ahmadu-BCiba-Lih.

(4) Généalogie rectifiée par Siré-Abbâs sur ses manuscrits, qui portaient primitivement Budu fille de l'imâm Sirè fils de Ilasan fils de Lamin.

CHRONIQUES DU FOÙTA SÉNÉGALAIS

la famine qui en avait résulté. Leurs avis furent partagés [au sujet de la réponse qu'ils devraient faire] et ils déchi- rèrent cette lettre ou la jetèrent à terre. Cela fâcha le gouverneur de Ndar, qui poussa un peu vers l'est, puis revint bientôt et leur ordonna de retourner sur leurs pas. Ils s'y refusèrent.

Alors le gouverneur retourna à Ndar, d'où partit une colonne qui arriva à Ngiiy. Le commandant de cette co- lonne, qui était le colonel Reybaud (i), envoya dire à 'Ab- dul-Bubakar et à l'imâm Mohammadu de se rendre auprès de lui. 'Abdul-Bubakar refusa de venir, mais l'imâm vint avec les notables du Fûta. L'imâm fit halte à l'est de N^uy, en un endroit appelé Tulel-Dàdo ; auprès de lui se trou- vaient 'Abbàs, elimàn de Rindyaw, Kâna-Sirë, elimàn de Mbôlo, Hammàd-Nalla-Boyya et d'autres notables. Le colonel leur dit : « 'Abdul-Bubakar a refusé de venir, mais j'ai déjà partagé [le pays] entre vous (2) : [le pays] qui s'é- tend à l'est de Koylel-Tekke [appartiendra] à ^Abdul-Bu- bakar ; le tyërno Mohammadu sera chef du Bôseya; [le pays s'étendant] depuis le Gûnagol jusqu'à Koylel-Tekke [appartiendra] à Ismd'ila-Siley et [celui compris] entre le Gûnagol et Dodel à Ibràhima fils de l'imâm Mohammadu. Nous avons accordé à 'Abdul-Bubakar un délai de trois mois : s'il nous répond favorablement et accepte un entre- tien avec nous, ce sera tant mieux et ce sera la paix ; mais si, une fois achevé le délai fixé, il persévère dans son atti- tude, nous le chasserons du Fûta par la force. Et malheur

(i) yj (S^ avec un point sous le j et un s_j surmonté d'un damma à

trois points, ce qui donne la lecture Rébô ; il s'agit sans doute possible du colonel Reybaud.

(2) Il s'agit vraisemblablement du traité de Galoya, passé le 24 octobre 1877 entre l'imâm Mohammadu et le colonel Reybaud, représentant Briére de risle, traité qui sépara du reste du Foûta le Liio et le canton des Yirlùbe et plaça ces provinces sous le protectorat français, comme il avait été fait de 1860 à 1866 pour le Tùro et le Damga. La phrase du texte pourrait aussi se traduire : « Mais j'ai déjà tranché le différend qui vous divise. »

CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS 97

et malheur encore à celui qui aura soulevé la poussière de la guerre entre le commencement et la fin du délai! »

Comme l'imâm s'en retournait, Velimân de Rindyaw^ 'Abbàs, (luij dit: « Nous te refusons l'obéissance. » Puis les gens du Fûta s'en retournèrent, ayant déposé l'imâm.

En ces jours-là, l'interprète Hammàd fils de Ndyày-Àn se rendit près du village de Galoya et fit appeler 'Abdul- Bubakar, qui vint au village de Galoya ainsi que les gens du Fûta. Ceux-ci convinrent avec lui de renoncer aux limites territoriales qui avaient été fixées [autrefois] aux cantons du Fûta et ils inscrivirent leurs noms sur une feuille de papier que leur présenta l'interprète Hammàd. Ensuite l'interprète et le colonel Reybaud s'en retournèrent avec la colonne, qu'accompagnaient le làm-Tôro Samba et 'Âli-Buri-Ndyây, et les gens du Fûta revinrent chez eux. Cela se passait dans les derniers jours de l'automne et le Fûta demeura [sans imâm] pendant l'hiver, l'été et l'au- tomne [suivants], puis encore un autre hiver et un autre été (i).

Lorsqu'on fut arrivé [de nouveau] à l'automne, on élit imâm le savant professeur et sagace jurisconsulte, l'imâm Mohammadu-Alamîn fils de Velimân de Pete Ahmadu- Moktar-\e-No'ir (2) fils du tyérno Demba fils de Velimân Moktâr le magistrat mentionné dans cet écrit (3) fils de

(1) Ce soi-disant interrègne n'aurait pas existé à proprement parler d'après la note rectificative du mscr. A qu'on trouvera plus loin et selon laquelle les fonctions d'almâmi auraient été remplies pendant cette durée par l'imâm Ndyûy, régnant pour la seconde fois. Le manuscrit B place ce second règne de Ndyây entre celui de Mohammadu-Alamln et celui de Siré-Bàba- Lih.

(2) ^j.-Vi.

(3) Cette généalogie, plusieurs fois raturée dans A et incomplète dans B, a été rétablie, d'après les indications de l'auteur, telle qu'elle figure plus loin dans la liste générale des almâmi du Foûta.

g8 Chroniques du foûta sénégalais

Yero fils de 'Atumâne fils de Yusum fils de Samba fils de Hammë fils de Beld fils d'Alhasan fils de Dyam-Lih, du village de Peie, dont la mère était 'Ummu fille de Velimàn SiiPd fils de Bubakar fils de 5wa fils de Ndeltye fils de Semtd fils de ^iras fils de 'Àli fils de Dyam-Lih, égale- ment du village de Pete.

Son élection eut lieu au moment de l'automne précité les céréales furent bonnes à manger.

A cette époque, des poteaux télégraphiques, qui avaient été préparés par ordre [de l'autorité française] près de Hôre- Fônde et de 'Anyam-Bàrga, furent brûlés par des gens du Bôseya qui avaient à leur tête en cette occasion Ibrd fils de Bôkar fils de Mahmûdu fils de 'Àli fils de Râsin, du village de Tyilon, accompagné des gens de Tyilon. Lors- qu'ils voulurent brûler les poteaux qui se trouvaient au vil- lage de Hôre-Fôndej l'imâm Mohammadu-Alamîn s'y opposa, soutenu en cette circonstance par le bummudy Sambà-Dyènaba. A la suite de cet incident, Saîdu fils de Ndôndi fils de Samba fils de Demba-Nayel, de 'Asnde- Balla, partit pour y mettre le feu, mais l'imâm Moham- madu-Alamin, l'ayant aperçu, le chassa. Puis l'imâm Mohammadu-Alamîn chargea des habitants du village de Hàre-Fônde de la garde des poteaux contre un salaire, l'imâm se portant garant du salaire en question, qu'il pré- lèverait lui-même sur le trésor public de la partie adverse ( i) ; il y avait huit hommes [de garde] chaque jour et huit hommes chaque nuit : en cette occasion apparut plei- nement une partie de ce qu'il y avait de remarquable dans la puissance de sa plume bénie et illustre (2). En- suite il confia la garde des poteaux aux soins du bum-

( I ) C'est-à-dire, sans doute, sur le trésor du village de Tyilon.

(a) Le mot « plume » doit être pris ici au figuré dans le sens de « faculté

d'ddicter des ordres ». Voici le texte du passage : *>~>j>^ tjt -^^f^ *^ U^-^

Chroniques du foùta sénégalais 99

mudy Samba-Dyénaba et le hummudy s'en porta garant envers lui. Puis il quitta le village pendant la nuit, emme- nant ses biens, notamment ses bœufs et deux chevaux, en dehors du village, à l'insu des gens qui veillaient, et personne ne le vit jusqu'à ce qu'il eût atteint le village de Tebekut. Il resta deux ans au pouvoir et ensuite repartit dans sa famille.

C'est après cela qu'arriva une colonne envoyée par les Chré- tiens, dans laquelle se trouvait le lâm-Tôro Mohammadu- Mbowba. Elle fit halte près de Nguy et ensuite se porta dans le canton des Hebbiyàbe et se mit à ravager le village de Hôre-Fônde; puis, ayant brûlé Tyaski, elle tomba sur le village de Nère et y fit cent prisonniers ou davantage. Cependant ' Abdul-Bubakar se tenait caché en certains en- droits du Damga.

Les notables du Bôseya se rendirent compte de l'étendue du malheur [qui menaçait le pays]; alors ces notables, c'est- à-dire notamment Ndôndi-Samba-Dewa-Nayel, Hammadi- Seydi-Dâyd, Ahmadu-Dewa-Yero, 'Amar-Bôkar et le tyërno-mdlle Bubakar-' Abdul^ firent choix d'un homme du village de Dyàba nommé Sirè^ fils de l'imâm Bàba-Lih fils du tafsîru-boggel Ahmadu fils de Samba fils de Demba fils de Bûbu fils de Demba fils de Bûbu fils de Demba fils de Dyam-Lih, dont la mère était 'Aysata fille de Bayld fils de la nommé Sabbè et du nommé Bûbu fils de Moktdr fils de Mûsd fils de YûsufUj du village de Dyonto chez les Sillanâbe; ce personnage est plus connu sous le nom d'imâm Bûbu-^Àba. Ils se rendirent avec lui auprès du com- mandant de la colonne des Chrétiens, qui l'institua leur imàm. Il conserva ces fonctions jusqu'à l'arrivée définitive des Chrétiens et à leur prise de possession du territoire du Fûta. Puis, ramené au pouvoir une seconde fois (i), il y

(1) Voir ci-après la « note rectilicative » du manuscrit A.

100 CHRONIQUES DU FOUTA SENEGALAIS

demeura jusqu'à sa mort. Que la miséricorde de Dieu lui soit acquise ainsi qu'à tous ses prédécesseurs : ainsi soit- il!

Note rectificative. Avant l'élection de l'imâm Mo- hammadU'Alamïn de Pete se place un événement qui fait partie de ce que l'on raconte touchant l'histoire du Fûta ; le voici. Lorsque le colonel Reybaud et l'interprète Hammâd fils de Ndyày furent retournés Ndar], on nomma aux fonctions d'imâm, pour la deuxième fois, ce Ndyày dont il a été déjà question, et, accompagnés de 'Abdul-Bubakar, [les électeurs] allèrent avec lui à Golléra. Alors tombèrent sur eux Ibrâhima fils de l'imâm Mohammadu et Ismà'ila- Siley, avec une colonne envoyée par les Chrétiens à la suite de la destruction de la maison de l'imâm Moham- madu par des Dyàwbe. Les gens du Bôseya prirent la fuite, poursuivis par les Chrétiens et par Ibrd fils de l'imâm [Mohammadu] et Ismà'ila; ces derniers brûlèrent Dàbiya, ravagèrent Bokki-Dyovc et Mbàkna, puis retournèrent au Lào et tombèrent sur Hàyre-Mbàra, qui est un lieu habité par des gens de Kaska ; avec eux étaient des Yirlàbe du Dyèri, des Hebbiyàbe et des Alayidi.

Après cela arriva du Dyolof une colonne commandée par ' Ali-Buri-Penda.

Puis 'Abdul-BubakarX.omh3i sur \qs Subalbe do. Mbumba et les gens du Lào prirent la fuite: c'est au cours de ce combat que périt 'Àli-Mbana (i), tué par Ahmadu-Samba fils de l'imâm Mohammadu.

Ensuite 'Abdul-Bubakar s'en retourna, fit élire l'imâm Siré, fils de l'imâm [Bâba-Lih\y qui résida au village de

(i) Un tyeddo ou nègre (en l'espèce un Ouolof), qui faisait partie de la colonne de 'Âli-Buri.

CHRONIQUES DU FOUTA SENEGALAIS 101

Dyàba durant son premier règne, et lui donna un turban et une peau (i).

C'est après cela que partit la colonne dont faisait partie le lâm-Tôro Mohammadu-Mbowba (a) et qui rit ce qui a été raconté précédemment dans cet écrit. Et c'est alors que les Chrétiens redonnèrent les fonctions d'imâm àl'imâm Sirê fils de l'imâm Bàba-Lih, conformément au choix fait par les personnages du Bôseya mentionnés plus haut. Ce der- nier fut rendu à la plénitude de ses pouvoirs au village de Nère^ après que les Chrétiens furent retournés au village de Podôr. Durant l'interruption de ses fonctions, il avait résidé dans un endroit dépendant de Bàlddyi.

Salut.

Voici maintenant la liste des éminents imâms dont il vient d'être parlé; on n'a mentionné qu'une seule fois dans cette liste chacun de ceux qui ont régné à plusieurs reprises (3).

Le premier fut l'imâm heureux et juste 'Abdulkdder (résidence Kobbilo, nom de clan Kan).

Ensuite l'imâm Moktdr-Kudédye (résidence Sintyu-Ba- mambi nom de clan Tallà).

(i) Entendez une peau de mouton servant de tapis de prière : le turban et la peau de mouton étaient les insignes de la fonction d'imâm.

(2) Ce mot est écrit la première fois ^y^ le premier ^ étant surmonté

de trois points, et cette fois-ci «!1> v avec trois points placés au contraire sur le second w».

(3) Cette liste qui ne Hgure que dans A semble au premier abord avoir été dressée selon l'ordre chronologique : cependant elle est loin de correspondre toujours, quant à l'ordre de succession des imàms, à ce qui est donné précédemment, soit dans A, soit dans B. Elle a l'avantage de pré- ciser le lieu de résidence et le nom de clan de chacun des imâms.

102 CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS

Ensuite rimâm Hammâd fils de Lamin-Bâl (résidence Bdde, nom de clan Bâl).

Ensuite l'imâm Yûsufu fils de Siré (résidence Dyàba- Dekle, nom de clan Lih).

Ensuite l'imâm 'Àli fils du tyërjio Ibrà (résidence Mbumba, nom de clan Wan).

Ensuite l'imâm Biràn fils du tyèrno Ibrd (résidence Mbumba, nom de clan Wan).

Ensuite l'imâm Bubakar fils de Lamin-Bâl (résidence Bôde, nom de clan Bâl).

Ensuite l'imâm Ahmadu fils de Bâba-Lih, surnommé Sirè-Lih (résidence 'Ôgo, nom de clan Lih).

Ensuite l'imâm Bubakar fils de Môdibbo fils de Suley- mân (résidence Dôndu, nom de clan Kan).

Ensuite l'imâm Sirè fils de l'imâm Ahmadu- Bâba-Lih (résidence 'Ôgo, nom de clan Lih).

Ensuite l'imâm Mohammadu [fils] du tafsîru Mahmû- du-Siré-'Ama (résidence Ngidyilon, nom de clan 'An).

Ensuite l'imâm Ibrd-Dyâtara (résidence Gâwol, nom de clan 'Any).

Ensuite l'imâm Mahmûdu-Kumba-Nèy (résidence 'Anyam-Wuro-Sirë, nom de clan Dyah).

Ensuite l'imâm Sirè-Hasan (résidence Hâyre, nom de clan Tûre).

Ensuite l'imâm Bâba-Lih [filsj du tafsiru [Ahmadu] (rési- dence Dyâba, nom de clan Lih).

Ensuite l'imâm Mohammadu fils de l'imâm Birân (résidence Mbumba, nom de clan Wan).

Ensuite l'imâm Sirë fils de l'imâm 'Àli (résidence Mbumba, nom de clan Wan).

Ensuite l'imâm Sf&aw^aj/ii (résidence 'Ôgo, nom de clan Lih).

Ensuite l'imâm Mohammadu fils de l'imâm Mahmûdu- Kumba-Nèy [résidence 'Anyam-Wuro-Sirë, nom de clan Dyah).

CHHONIQUES DU FOUTA SÉNÉGALAIS Io3

Ensuite rimàm Rdsin (i) fils de Mahmûdu fils de Ham- madin (résidence Medîna-Ndyâty^e, nom de clan Ndydty^.

Ensuite l'imâm Ahmadu fils de Hammàd fils de Sawa- Tyila (résidence Peie, nom de clan Sih).

Ensuite l'imâm Mustafd (résidence Hôre-Fônde^ nom de clan Bah).

Ensuite l'imâm Alhasan (résidence Hàyre, nom de clan Baro).

Ensuite l'imâm Ahmadu fils de l'imâm Biràn (résidence Mbumba, nom de clan Wan).

Ensuite l'imâm Mahmûdu fils de Velimdn Mâlik (rési- dence Bahbàbe, nom de clan Bah).

Ensuite l'imâm Ahmadu-Demba-Sirè (résidence Dyàba, nom de clan Lih).

Ensuite l'imâm Ràsi7i-Selli (résidence Sintyu-Bamambiy nom de clan Talla).

Ensuite l'imâm Sâda [fils] du tafsîru Baba (résidence Mbumba, nom de clan Wan).

Ensuite l'imâm Mohammadu fils de Mahmûdu-Bâl (résidence Gollèra, nom de clan Bàl).

Ensuite l'imâm Mâlik fils d' Ahmadu fils du tafsîru Algàsimu (résidence Dyâba, nom de clan Tyam).

Ensuite l'imâm Ndyây fils de 'Aliyun fils de Dewa- Dyali (résidence Dyâba, nom de clan Baro).

Ensuite l'imâm Mo /iammaâfw-J5u<iu (résidence 'Ôgo, nom de clan Lih).

Ensuite l'imâm Mohammadu- Al amin fils de Velimân Ahmadu-Mokiâr-le-'Noir û\s du tyèrno Demba fils de Veli- mân Moktâr fils de Velimân Yero fils de 'Atumâne fils de Yusum fils de Samba fils de Hammé fils de Beld fils â' Alhasan fils de Dyam-Lih, du village de Pete, sa mère étant 'Ummu[iï\\e\ de Velimân Siwd fils de Ndettye fils de

(i) A-ilj, dans le texte. Voir plus haut deux notes relatives au mot Rûsin, et ce mot lui-même au glossaire.

104 CHRONIQUES DU FOÛTA SENEGALAIS

Semtd fils de Biras fils de 'Ali fils de Dyam-Lih, du vil- Pete (résidence Pete, nom de clan Lih).

Ensuite l'imâm Bûbu-'Àba fils de l'imâm Bàha-Lih (ré- sidence Dyâba, nom de clan Lih).

Tous se trouvent indiqués ci-dessus et la liste est finie (i).

Annales du Chamama. Il a été parlé précédemment, en ce qui concerne ces annales, de l'histoire du village de Gîme et de ce qui s'y rapporte dans l'histoire du Hây- rengdly c'est-à-dire de l'expédition de Koli fils de Sun- dyata dans ce pays. En ce qui concerne le Hàyre-Dekle, cette montagne fut appelée ainsi du nom d'un homme nommé Dekle fils de Hammadi fils de Yero fils de Màlikj qui appartenait à la survivance de la famille de Manna, dont il a été question auparavant.

C'est dans cette contrée qu'habitait Bûbu fils de ~Awdi fils de Samba [fils de] Dundu fils de Bôkar fils de Samba fils de Yero fils de Koli.Cesi que naquit Samba-Bûbu- 'Àwdi, mentionné plus haut. aussi nsiqu'it Bûbu- S amba, dont on fait habituellement suivre le nom de celui de sa mère Bôli fille de Hold fille de Nimd, lequel a été men- tionné précédemment.

C'est que Worde-' A ty, dont le [vrai] nom était Biràn fils d'Ahmadu fils de Hammàd, rencontra Bûbu-'Àwdi lorsque le premier (2) arrivait de Dimat à un âge très avancé et tremblant de vieillesse. Il le rencontra auprès de la montagne précitée (3) et y demeura avec lui ; il était

(1) Jusqu'ici, les deux manuscrits traitaient l'un et l'autre du même sujet, c'est-à-dire de l'histoire des souverains du Foûta. Les pages suivantes ont trait à des sujets divers, sans que les matières correspondent d'un manuscrit à l'autre.

(2) Littéralement « lorsqu'il », mai^s, d'après le contexte, ce pronom représente Worde-'Aty et non Bûbu-'Âu><M.

(3) La montagne de Dekle.

CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS

io5

accompagné de ses deux fils Yero-Biràn et Mahmûdu-Bi- rân et il se mit à enseigner les gens de cet endroit. Au bout d'un long espace de temps, le fils de l'un de ses fils, Yero fils de Yero fils de Biràn, émigra de et se rendit à Rin- dyaw dont il se rendit maître grâce à l'aide du satigi du Dekle; c'est celui-là qui engendra i4y?na^u- yero, lequel à son tour engendra Bûbu-Ayjnadu, qui engendra Sirè- Bûbu, lequel engendra Bûbu-Siré et Hammadi-Siré.

Voici en partie le tableau généalogique de cette famille, en partant de Biràn ï\\s à" Ahmadu fils de Hammât.

Birôn

Yero

Mahmùdu, appelé Mahmûdu fils de Birûn ; il demeura avec le satigi du Dekle et eut trois fils : Mahmûdu, Bûbu-Mahmûdu j et Yero ; c'est de lui que sortent

YerOf surnommé tous les 'Aty du Tôro, excepté ceux de

Yero-tno~Yero. Gamâdyi.

Aymadu

Bûbu I

Sire

[Mahmûdu]

I Mahmûdu

Hammadi

Velimân Râsin I

Fàld

Mahmûdu ( i '

Bûbu

Velimân Sa'idu I

\Abdul

Râsin

Velimân 'Abbàs (a)

'Ali, de qui sortent [les 'Aty] de Gamddyi

Karimu

Mâlik

I Ahmadu

I

I

Mahmûdu

Mohammadu,

dit le tyèrno Moham-

madu-Hafsu, qui

termina sa vie au village

de Dyâba.

(i) Il est difficile de savoir, d'après la disposition des noms de Fâlel et de Mahmûdu sur le tableau du manuscrit, s'il s'agit de deux frères ou d'un seul personnage appelé Fâlel-Mahmûdu.

(2) Les mots eliman 'Abbâs sont portés deux fois sur le tableau, une fois au-dessous du Mahmûdu accolé à Fâlel et une fois au-dessous de Râsin, le tout sur la même ligne : y eut-il deux elimân 'Abbâs? ou. s'il n'y en eut qu'un seul, était-il fils de Mahmûdu ou de Râsin ? la dernière hypothèse paraît plus probable, mais la seule inspection du tableau, tel que l'a disposé le copiste, ne permet pas de se prononcer.

I06 CHRONIQUES DU FOÛTA SENEGALAIS

Leur origine, antérieurement à [leur arrivée àj Dimat, remonte à 'Aliyyu-Aladyhûriyyu, d'après ce que Ton entend dire communément, et c'est [du surnom] de ce dernier qu'ils font dériver leur nom de clan (i). Dieu le très haut le sait mieux que personne. On a dit aussi qu'ils étaient originaires de Bagdad et que c'est pour cela qu'il y a chez eux un tyèrno-Bagadin (par un i nasalisé ou un i suivi d'un n).

Quant à Rindy^aw et aux villages qui l'avoisinent immé- diatement à l'ouest, ils étaient autrefois placés sous l'au- torité du satigi du Dekle et formaient une province du royaume des satigi [du Fûta] placée sous la dépendance [directe] du satigi du Dekle. Pour [les villages de] Turul et de'Aivdu, ils étaient sous V autorité du satigi Ndyabbo fihde Makam fils de Gelàdyo fils de Samba-Pannyel : les chefs du village précité appartenaient à la tribu appelée Dyal- lube, comme il a été dit déjà ; le satigi Ndyobbo sus-men- tionné est celui qui combattit avec le satigi du De/î/e jus- qu'à ce que le satigi du Dekle eût dévasté ces villages et en eût vaincu les habitants, rattachant une partie d'entre eux à son autorité tandis qu'une autre partie d'entre eux s'en allait vers des contrées lointaines. Quant au village de ATëre, il était sous la dépendance du satigi Biibu-Diye fils de Sî'rë fils de Gelàdyo ; le satigi [du Dekle] tua ce dernier par traîtrise et s'empara du village.

Primitivement, le Chàmdma était habité à certaines saisons et abandonné à d'autres [et il en fut ainsi] jusqu'à l'arrivée de la plus ancienne migration [venue] du désert du nord (2). Les gens du Damga campaient en un endroit

(i) 'Aty, qui serait la corruption de la première syllabe d'Adjhûri, surnom du célèbre docteur musulman Wli-el-Adjhûri ou, selon la prononciation

locale, 'Aliyyu-Aladyhûriyyu ([^Jj4f>-Vl r^.

(2) (J^LJl ^^ A^. Lenord,dansles deux manuscrits, estdésigné, tantôt par le mot Jv»^^ tantôt par le mot tj^>-^, qui signifie à proprement parler

CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS IO7

appelé Boggel-Tyêli, ceux du Bôseya campaient en un certain endroit du Fori appelé Ganki et les Ilebbiyàbe sur la montagne de Dekle. Les Yirlàbe du Dyëri campaient à Turul et à 'Awdu, les Yirlàbe-Alayidi a Tyilà, une partie des gens du Lâo à Golûre (d'où dérive le nom de Gollèra) et une autre partie d'entre eux près de Tunti, qui fut appelé depuis Bele-Ndendi et qui était un grand village appartenant aux Ba/ï^â^e-Lôfi et renfermaitseptquartiers(i) entre lesquels se partageaient les gens de la famille de Nyokor fils de Birâhima fils de Mûsd fils de Suleymàn , etc. , c'est-à-dire: les Bahbàbe-Lôti de Mbumba, de Démet, de 'Edi^ les 'Urûrbe du Dyêriy de Mbôlo-Ali-Sidi, de Nère et de Dulumddyi ; c'est ce village dont fut chef Side-Mddi- Bôkar-Sawa-Làmu, autrement dit Sule-Dene, jusqu'au jour où, ce dernier ayant été tué (2), les habitants se dispersèrent. Une autre partie encore [des gens du Lâo | campait à //âjy-re- Mbâr. Beaucoup d'histoires ont trait à ce sujet. En résumé le Chdmâma du Bôseya allait du rocher de Giray la partie du Chdmdma appartenant) aux Yirldbe et au Lâo. Le commandement du pays appartenait au satigi du Dekle, lequel à son tour était placé sous l'autorité du sa^zg-t de la dynastie de Koli, [et il en fut ainsi] jusqu'à ce que survînt la guerre civile rapportée plus haut, avant [la venue] de celui qui marqua solidement son empreinte sur son époque par le travail de son esprit (3). Fin.

« bord, rivage » et est employé au Foûta pour représenter la lisière méri- dionale du Sahara, c'est-à-dire le nord par rapport aux riverains du Sénégal.

Le sud est désigné, tantôt par le mot ^y^, tantôt par le mot ^^^aaj^* main

droite », les indigènes faisant face à l'est pour s'orienter et ayant ainsi le sud à main droite; lors donc qu'il est question de la rive de droite du Séné- gal, c'est de la rive sud qu'il s'agit, c'est-à-dire de la rive gauche.

(i) Littéralement « sept tambours * Jj— » ^»-*^, chaque chef de quar- tier ayant comme insigne un tambour.

(2) Par un nommé Pâte, fils de Vardo Tyambulel.

(3) Ou « et sur les occupations de l'esprit > : ^V-«i (^-*Jl y^ '-*-* (J-*

|08 CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS

GÉNÉALOGIE ATTRIBUÉE A Yahya(i). Yahyà fils du cheikh Mohammadu fils du doci^uv A hmadu fils de Samba ûlsdeHammadin fils de Biras fils de Hammet fils de 'Â/i fils de Daramàn fils de Bukâr, de la maison des tyérno- Siwol. La mère de son père était Maryam fille d'Alfa fils de Takko fils de Samba fils de Sukki fils de 'Âli fils de 'Us- màna fils de Biràhima fils de Nyokor fils de Biràhima fils de Mûsa fils de Suleymdn. La mère de celle-ci était Se/// fille de Rahmatullâhi fille du tyèrno Suleymdn- Bâl (dont il a été question précédemment dans cet écrit) fils de Rdsin fils de Samba fils de Bukdr fils de Biràhima fils de iVyo- kor, etc.

Quant à la mère [de Yahyd], c'était 'Âi'sa/a fille de Ndydy fils d'Ahmadu [fils] de Bdba-Lih fils de Sirê fils de Demba fils de Hammadin fils de 'Â/z fils de 'Abdulldhi fils d'A/Ziasan fils de Dowut fils de '£"// fils de Fadalla. La mère du père de celle-ci était Kuwa-Lih fille de i'imâm Yûsufu fils de 5irë fils de Demba fils de Bûbu, etc. (cette généalogie a été déjà indiquée précédemment). La mère de la mère de Yahyd était' Ummu fille de I'imâm Ahmadu fils de Demba fils de Sirëfils deDeinbaûls de Bûbu, etc. La mère de ladite 'Ummu éta.itSawdatu fille de /^âsm fils du célèbre alfa Hammadi-Fdlil. La mère [de Sawdatu] était 'Aysata fille de Velimdn de Rindyaw Sa'idu fils de Bûèu fils de Strê fils de Bû^u fils d'Aymadu fils de Fero fils de Yero

JvJi JUl-ilj vUjJi v.^fl*'^) *V.«»-'j. Il s'agit vraisemblablement de rimâm

•A6rfu/Adrfer.

(i) L'auteur n'indique pas dans son manuscrit quel est ce personnage dont il nous donne une généalogie si complète : il s'agit du chef actuel des Yirlâbe de la rive droite du Sénégal; c'est sur la demande de ce chef que Siré-Abbâs avait rédigé son manuscrit B, dont l'original fut remis à M. Ma- riani, alors inspecteur de l'enseignement musulman au Sénégal. C'est une copie de cet original, recueillie par les soins de M. Chéruy, que nous avons eue à notre disposition.

CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS IO9

fils de Biràn fils d'Ahmadu fils de Hammàd. La mère de ''Aysata était Maryam fîUe de Yero fils de Moktâr fils de 'Â/i fils de 'Omar fils de Birâhima fils de Dyam-Lih, de Molle, et était surnommée 'Ummulkeyri. La mère de celle- ci était Kumba-'Àn de Mâmu, fille de Sirë fils de 'Â/i fils de Bundu fils de 'Abdulldhi fils de Pâ^e fils de Siî^a. Fin.

Pour passer à un autre sujet, Vardo des Gerlel (i) fut au début Yero-Dide, dont il a été parlé précédemment et qui résidait au village de Gime. Plus tard ce mot devint le surnom d'une famille de Dyallube qui habitait à Turul et 'Aipdu, villages dont mention a été faite plus haut ; puis il devint celui des descendants de Ndyobdi-Fdtuma qui habitaient au village de Bele-Ndendi chez les Bahbdpe- Lôti et [habitèrent] ensuite à Dyûde-Dydpi.

Quant SMiLfarba de \yâ/a/û?e, qui commandent le canton de Wdlalde^ aux dyarno de ^Edi et aux tyèrno des Tyqfé (par exemple //ammê), comme aussi les Tyaldga, lesdyôm- Ndongo, les elimàn de Dydmandu, les chefs du village de Rey et également les chefs dits Berkelle de Bokkul qui existaient déjà au temps du paganisme, ils embrassèrent le parti du cheikh Suleymdn-Bdl, qui ne cessa pas de les commander jusqu'au règne de l'imâm Yûsufu Sirè. On fait entrer dans ce groupe le iyêrno-Wottyi appelé 'Eli fils d'Attdlibu fils de Khiydr et surnommé Vëynde-Dy^enne, au sujet duquel courent de nombreuses histoires. Fin (2).

(1) Siré-Abbâs prétend qu'il faudrait lire Ngiril (nom de tribu des Yir- /âi»c) au lieu de Gerlel; mais son manuscrit porte très nettement Gerlel et, de plus, ce qui est dit de la tribu de cet ardo ne peut guère s'appliquer aux Yirlâbé.

(2) Ici se termine le mscr. B, qui est seul à donner les paragraphes relatifs au Châmâma, à la généalogie de Yahya et à Vardo des Gerlel. En ce qui con-

îlÔ CHRONIQUES DU FOUTA SENEGALAIS

Les ardo des Wodàbe tirent leur origine de Mdkama fils de Hubba fils de Ydsin fils de Ydba fils de De'ta fils de 'Okbatu fils de ^Amir. On donne la même origine à 'Ali baka^ dont il va être question (i).

Quant aux familles issues des ardo des Woddbe en ques- tion, ce sont celles de Vardo des Galoydbe, du dyôm- Lugge, du dyôm-Mbumba et de Vardo du Mer/, puis celle de 'Alibaka, surnommé le Idmdo-tyalordo et au sujet du- quel courent de nombreuses légendes, puis encore celles du satigide Mbdlo, de Vardo de Kâvel et de Vardo des Dyal- lube du Bokke.

Quant aux Lidube, tels que les elimàn de Fanay, les elimàn de Ndyajpdr, les elimàn de Mbdye, les tyérno de 'As, les elimàn de Pefe, le tafsiru-boggel, les Lidube- Gôto-Re'd et les tyérno-môlle, ils tirent leur origine d'un homme nommé Dyam fils de Hammet fils de Fàdel fils de Gidum fils d'Ibràhima fils de Hind, [laquelle descen- dait] de Himy^ar, le second de ceux parmi lesquels [fut pris] le tobba' du Yémen, et [ce Dj'am] descendait lui-même des Ansâr de la ville de l'Envoyé (2) (que Dieu répande sur lui ses bénédictions et lui accorde le salut !).

Quant aux Lïdube-Funébe tels que les tyérno des Fu- nèbe de 'Ôgo et les tyérno des Funébe de Dulumàdyi, ils tirent leur origine de '£'/i fils dei'â^e/filsde Gidum [petit-] fils de Hind, lequel ['Eli] descendait des Ansàr de la ville

cerne les farba de Wâlalde, voir un peu plus loin le paragraphe que leur consacre le mscr. A.

(i) Le texte porte jj) •Â^l ciL-Jl; on doit donner un sens futur au parti- cipe, puisque le nom de ce personnage n'a pas été mentionné encore mais le sera de nouveau un peu plus loin.

(2) C'est-à-dire la ville de Médine en Arabie.

CHRONIQUES DU FOÛTA SENEGALAIS îîî

de l'Envoyé (que Dieu répande sur lui ses bénédictions et lui accorde le salut !).

Quant aux farba de Wàlalde, aux tyërno de Sddel et à la famille du tyènio Belal du village de ^Anyam-Bàrga^ ils tirent leur origine d'un homme nommé Vèynde-Dyenne. Le pays d'où ils ont émigré est le Wagadu, ainsi que Dyenne. Leur ancêtre Véynde s'était réfugié dans une maison qu'il avait en cette ville, c'est-à-dire k Dyenne ; dans la suite, le nom de cette ville, transformé en Dyeng^ devint son nom de clan et celui de sa descendance.

Quant aux tyërno des Wanwanbe, ils tirent leur origine du pays du Wagadu. Leur ancêtre le plus éloigné s'appelait Kàyd-Makka ou, selon certains manuscrits, Kàyd-Manga. La lignée généalogique qui les rattache à Kàyd-Makka est la suivante : Dyàsd fils de WdliûlsdQ Khàli fils de Yahyd fils de Dyâbiri fils de Makka fils de Ndyubayru fils de Silman fils de Limàm fils de 'Amar fils de Dydbè fils de Kâyd fils de Makka. Du côté maternel, leur ascendance est: N^ille fille de Birom-Mbanyi fils de Mât fils de Wôlum fils de Kâyd fils de Ndyondyu fils de Kâr fils de Samba; [Ngille] était donc une femme de cette famille et c'est elle qui enfanta Dyâsd-Ngille, etc.

Quant aux elimdn de Dimat, aux elimdn de Mbôlo, aux tyërno de Gamugu, aux tyërno de Koli-Seli, aux elimân- Duga, aux elimdn de Nëga, au père de l'imâm 'Abdulkdder (c'est-à-dire Hammadi fils dJ Alhddyi-Lamin fils de Mdt fils de 'Abdulldhi fils de 'Â/i), aux tyërno-Ty^ivel, à la famille de Môdi-Nalla^ aux elimdn de Tyoday\ aux tyërno de Mbol-

112 CHRONIQUES DU FOÛTA SÉNÉGALAIS

ton qui résident au village de 'Anyam-Godo et à la maison de Gedd du village de Tyubalel, ils tirent leur origine de Damas en Syrie.

Quant aux tyërno de Tillere, aux elimàn de Bélnâbe, à Ràsin-'Àn du village de Hôre-Fônde celui qui engendra Ndyây-Ràsin, lequel Ndyày engendra Hammâd-Ndyây- *Ân (i) et à la famûle de' Amar-Be la- Râsin, ils tirent leur origine du village de Gamâdyi et font partie de la posté- rité de l'imâm Mohammadu-l-Bûseyriyyu {2) (que Dieu le très haut lui marque sa satisfaction !). Les 'An de Mbôlo, chez les Yirlàbe, font partie de la même descendance, ainsi que les autres portant ce nom de clan dans le Fûta du Tôro.

Quant aux ^Ûrurbe-Dagu, tels que les tyérno-Siwol de Nabbàdyi, les ardo de 'Edi, les ardo de Mbantu et les Yàlalbe des terres hautes et du fleuve, ils descendent de 'Okbatu fils de 'Âmfr (que Dieu lui marque sa satisfaction !).

Quant aux tyërno de Ngappugu, auxBarôbe deDyakel et aux Sillanâbey ils sont les uns et les autres originaires du pays du Wagadu. Quant aux Sumarnàbe du Fûta du Tôro, ils sont originaires du Hàyrengàl. Les premiers comme les seconds descendent tous de Ham^at fils de 'Abdulmotalleb (3) (que Dieu le très haut lui marque sa satisfaction !).

(i) L'interprète dont il a été question plus haut.

(2) {S,j^ _^' X^^cA, Mchammed-el-Boûssîri, célèbre poète arabe origi- naire de Boùssir en Egypte.

(3) s-J ia^l -X-fr jV ^j-*.^, oncle de Mahomet.

CHRONIQUES DU FOÛTA SENEGALAIS II 3

Quant aux elimdn-Lewd du village de Horkadyere, aux tyèrno-Fayofayo du village de Banâdyi, aux elimdn- Dekle (c'est-à-dire la famille d'Ahmadu-Rahmatà), aux ancêtres de Dundu-Gorel et aux Salsalbe de Pete, ils sont originaires du village de Gede^ ainsi que les elimdn-Nyû- kul qui résident à Tyilamol.

Quant aux tyërno-Siwol de 'Anyam-Siwol, on croit qu'ils ont émigré de l'oued Suwayla, [qui passe] dans la ville éclatante de lumière (i), et on pense qu'ils descendent de 'Omar fils d'Alkhattâb (2) (que Dieu lui marque sa satis- faction !).

Quant aux elimân de Rindyaw, ils se vantent de des- cendre de 'Aliyyu-Aladyhûriyyu (3), delà ville du salut (4) (que Dieu marque sa satisfaction à Aladyhûriyyu !).

Quant aux Busobe de Golléra, ils viennent des pays de l'Orient : Dieu le très haut en sait davantage.

Que Dieu se montre généreux envers sa seigneurie mon père, le grand savant, l'homme respectable, pieux et instruit

(i) ^JX*Ji ^I>_-V-« ^ <J»^_V*' ig^^J (J^- '' s'agit de la vallée dans

laquelle se trouve Médine en Arabie.

(2) Deuxième successeur de Mahomet.

(3) Voir la note relative au nom de clan 'Aty et à 'Ali-el-AdjhCirt.

(4) C'est-à-dire Bagdad.

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I 14 CHRONIQUES DU FOÛTA SENEGALAIS

des choses de la religion, 'Abdulldhi fils du docteur Assir- riyyu (i), en lui accordant l'obéissance de ses subordonnés et la possession de la santé en ce monde et en l'autre : ainsi soit-il ! Qu'il protège aussi le maître de l'assistance (2) (Dieu répande sur lui ses bénédictions et lui accorde le salut !).

Tel est ce qu'a écrit la plume de ton fils (3) Sirè fils de 'Abbâs de Dyàba (4), en le rédigeant lorsque le temps le lui permettait. Mais la solidité de son talent a suppléé au cours de cette tâche à l'imperfection du coursier dont ce talent disposait : il a tamisé son récit à l'aide du tamis de la clarté et l'a passé au crible de la logique, en usant de réflexion pour le munir de ce qu'il lui manquait il était défectueux et obscur. Que le Généreux pardonne à ton fils en lui accordant la plus grande somme de pardon et que Dieu soit miséricordieux envers celui qui a dit que l'octroi du pardon avec libéralité est la clef qui ouvre la serrure des faveurs divines 1 Salut (5).

(0 iSj^ '"^ ™°^ P^"'^ ^^'"^ as-sirriyyu